L’initiative de débat national lancée par l’Ugtt ne pouvait aboutir à un consensus, car la «troïka» au pouvoir, dans sa tentation hégémonique, n’est pas disposée à … dialoguer avec l’opposition.
Par Rachid Barnat
Sur le plateau de Nessma TV, jeudi, dans le cadre de l’émission politique Studio Essiyassa animée par Elyes Gharbi, une brochette d’invités : Adnene Mnassar, membre du bureau politique du Congrès pour la république (CpR) et porte-parole de la présidence de la république, Houcine Jaziri, membre de Majlis Choura d’Ennahdha et ministre de l’Emigration et des Tunisiens à l’étranger, Maya Jeribi, secrétaire générale du Parti républicain, Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l’Ugtt, et le journaliste politique Sofiène Ben Hmida.
La sincérité de Maya Jeribi
Ce qu’on retient de ce débat, c’est d’abord la sincérité de Maya Jribi et son patriotisme qui crèvent l’écran. Elle insiste sur la nécessité du dialogue et réfute l’exclusion dont celle du parti Nida Tounes, fondé il y a quelques mois par Béji Caïd Essebsi.
Elle confirme qu’il est encore possible de sauver la Tunisie et la démocratie: pour cela, il faut une volonté politique réelle!
Elle dénonce l’attitude méprisante d’Ennahdha à l’égard de l'opposition... confirmée par le lapsus du ministre d’Ennahdha qui lui disait «avoir daigné discuter avec elle», ce que Maya reprend pour bien démonter l’état d’esprit d’Ennahdha à l’égard de l’opposition et même de ses amis de la coalition gouvernementale! Un complexe de supériorité grotesque «légitimé» par 1.200.000 voix!
Adnene Mnassar et Houcine Jaziri.
Evoquant le thème de l’exclusion, leitmotiv du CpR pour expliquer son refus de répondre à l’appel de l’Ugtt pour un Congrès du dialogue national (16-18 octobre), Mme Jeribi a dénoncé l’hypocrisie de tous ceux qui appellent à l’exclusion des anciens du Rcd, plus particulièrement le CpR et Ennahdha. Ce dernier parti a pourtant recruté par brassée ceux qu’ils présentent comme ennemis du peuple, notamment, pour ne citer que les exemples ayant suscité la polémique, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct), Chedli Ayari, nommé par le président de la république provisoire Moncef Marzouki, fondateur et président d’honneur du CpR, et le directeur général du groupe de presse Assabah, Lotfi Touati, nommé par Hamadi Jebali (ou, plutôt, son conseiller politique Lotfi Zitoun)...
Mme Jeribi a dénoncé, au passage, l’hypocrisie du porte-parole de la présidence de la république, qui ne trouve rien à redire à propos des Rcdistes notables que recrute la «troïka» au pouvoir, mais cherche des poux dans la tête de ceux qui rejoignent l’opposition! Alors, s’énerve-t-elle, il faut cesser avec cette mascarade une fois pour toute et laisser à une justice transitionnelle indépendante la tâche de décider qui est corrompu et ne pourra plus, par conséquent, pratiquer la politique!
Et l’hypocrisie des représentants de la «troïka»
L’un et l’autre, Adnene Mnassar et Houcine Jazizri, n’ont cessé de se gargariser des mots «dialogue», «concertation», «consensus», «démocratie», «ouverture», «bonne volonté»... Des mots qui, dans leurs bouches, sonnent on ne peut plus creux, et que Sofiène Ben Hmida n’a pas manqué de dénoncer dans sa conclusion!
Le représentant de l’Ugtt, pratiquant la politique de la main tendue et essayant de se tenir à distance de toutes les parties, n’a cessé de répéter la nécessité du consensus pour dépasser le blocage du dialogue depuis près d’un an. Ce blocage, qui a abouti à des crises à tous les niveaux, est du au manque de concertation de la part d’un parti pouvoir, Ennahdha en l’occurrence, se targuant d’une «légitimité» qu’il croit éternelle et se croyant au-dessus de tout le monde!
M. Ayari poursuit son appel au dialogue et maintient la porte-ouverte pour ceux qui ont refusé le dialogue en posant des conditions ou en exigeant l’exclusion de Nida Tounes!
Il rappelle l’évidence que le dialogue se fait avec ceux qui ne sont pas du même avis, et insiste que l’Ugtt ne pratiquera jamais l’exclusion!
Belgacem Ayari, Maya Jeribi et Sofiène Ben Hmida.
En conclusion, Sofiène Ben Hmida déplore que le débat ait été, en fin de compte, aussi stérile que ceux d’avant... soulignant sa conviction que la «troïka» au pouvoir «ne bougera pour rien au monde de la position qu’elle a adoptée depuis sa prise du pouvoir»! Par conséquent, son discours d’«ouverture» et de «démocratie»... n’est que du bla-bla-bla, estime-t-il...
Il est heureux que le mandat des constituants et du pouvoir provisoire qu'ils ont accordé à leurs collègues arrivera bientôt à son terme, ce qui permettra de changer la donne au prochain scrutin!
Le journaliste met en garde la "troïka": si elle cherche à s'imposer... qu'elle en assume la responsabilité ! Or, il semble craindre que Rached Ghannouchi, le leader islamiste jusque-au-boutiste veuille aller au clash!