Un parti comme Ennahdha, qui recourt aux milices violentes pour intimider ses opposants, n'a plus de légitimité politique. Quand l'opposition osera-t-elle dire stop à la «mascarade de démocratie» que nous jouent Ghannouchi et les siens?
Par Rachid Barnat
Après les évènements de Djerba du 22 décembre, après l'action des Ligues dites de «protection de la révolution» qui ont perturbé les meetings de nombreux partis politiques de l'opposition, et après avoir empêché, ce jour-là, par la violence, celui de Nida Tounes d'avoir lieu, que doit-on faire? Protester sur Facebook? Manifester une énième fois? Et croit-on vraiment que, dans ce cas, cela sera suffisant?
Il faut d'abord se poser la question: Est-ce si grave?
Des milices fascistes pour intimider les opposants
C'est extrêmement grave car cela n'est pas la première fois que ces milices portent atteinte à la liberté d'expression et à la liberté politique.
Il faut, tout de même, ne pas oublier qu'elles sont à l'origine de la mort d'un homme lorsqu'elles se sont également opposées à une manifestation organisée par Nida Tounes, et qu'elles n'ont pas hésité à aller attaquer l'Ugtt chez elle.
Il s'agit, de toute évidence, de milices fascistes qui, même si elles on été reconnues par le pouvoir, n'ont aucune place dans une démocratie. Elles ne cachent plus leur volonté d'éliminer physiquement ceux des opposants qui pourraient faire de l'ombre au parti islamiste! Les évènements de Djerba n'avaient pour but que d'assassiner Béji Caid Essebsi, le mieux placé pour évincer Ennahdha!
Qu'elle est la légitimité de ces groupes violents pour défendre la révolution? Qui les mandate? De qui prétendent-ils unilatéralement tenir leurs pouvoirs? Des dirigeants d'Ennahdha et du Congrès pour la république (CpR) qui les défendent ouvertement?
Poser ces questions, c'est mettre en évidence l'illégitimité manifeste de ces groupes violents. Or, et c'est là le point le plus grave, le pouvoir en place les accepte.
Il y a parmi les dirigeants de ces milices fascistes non seulement des nahdhaouis mais aussi des membres du CpR. Ce parti, et Moncef Marzouki devrait nous expliquer comment, lui qui se prétend défenseur de la démocratie et des droits de l'homme, peut-il accepter l'existence de ce genre de milice.
Par conséquent, pour tous les démocrates, pour tous ceux qui sont soucieux de liberté et de légalité, il n'y a plus aucun doute: ces milices représentent une menace certaine et particulièrement grave pour la démocratie.
Tous les régimes fascistes ont eu de telles milices et on sait ce que cela a donné dans l'histoire: la dictature. Les organisations non gouvernementales de défense de la démocratie et des libertés ne s'y sont pas trompées et ont condamné clairement ces milices.
Face à cette grave situation, que faut-il faire? Les condamnations, même fortes, sur les réseaux sociaux et dans la presse, ne suffiront pas. Hélas, les manifestations de la société civile seront insuffisantes, elles aussi. Elles doivent avoir lieu, mais cela ne fera pas céder ce pouvoir qui veut instaurer une dictature et ne s'en cache plus.
L'Ugtt, qui avait l'occasion et les moyens d'exiger la dissolution de ces milices, s'est, pardonnez-moi, couchée devant le pouvoir et l'on cherche encore ce qu'elle aurait obtenu en échange!
Stop à la «mascarade de démocratie»
Alors, il ne reste plus que l'opposition républicaine qui peut encore faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Cette opposition doit s'unir sur l'essentiel, c'est-à-dire le refus de comportements fascisants et adresser au pouvoir un ultimatum clair.
Si, dans les quinze jours qui suivent cet ultimatum, le pouvoir n'a pas dissous les milices, s'il n'a pas révoqué les ministres de l'Intérieur et de la Justice (c'est vraiment le moins qui puisse être exigé), tous les membres de l'opposition doivent quitter en masse, le jour dit, les instances du pouvoir; et notamment l'Assemblée nationale constituante (Anc), en laissant le pouvoir en place... mais seul et complètement délégitimé.
Béji Caïd Essebsi, dans son entretien au journal ''Al Maghreb'', vient de dire clairement et fermement que désormais il considère qu'Ennahdha n'a plus de légitimité et que tout dialogue avec ce parti était vain. Il a parfaitement raison. Un parti qui utilise les méthodes d'Ennahdha avec, notamment, ses milices, n'a plus de légitimité politique.
Enfin quelqu'un de l'opposition ose dire stop à la «mascarade de démocratie» que nous jouent Ghannouchi et ses hommes, depuis leur prise du pouvoir!
L'opposition saura-t-elle s'unir et obtenir de tous ses membres une telle décision qui exige, des sacrifices... somme toute pécuniaires!
Quitter les instances du pouvoir si son ultimatum n'est pas suivi d'effet. C'est pourtant la seule façon de sauver le pays.
Si rien n'est fait, persister dans une situation larvée est très préjudiciable sur tous les plans (économiques et sociaux) au pays.