Nida Tounes peut-il envisager de constituer un gouvernement de coalition avec Ennahdha, au risque de subir le sort peu enviable du CpR et d'Ettakatol?
Par Mohamed Salah Kasmi*
L'idée émise par Ennahdha avant et après les élections d'une éventuelle coalition avec Nida Tounes ne cesse de faire couler beaucoup d'encre.
N'y a-t-il pas, derrière la proposition du parti islamiste, une stratégie politique plus complexe et non-avouée de la part de Rached Ghannouchi ?
L'unique objectif d'Ennahdha est de récupérer deux ou trois départements ministériels avec de préférence l'Education, l'Enseignement supérieur et les Affaires sociales, afin d'achever le travail de réislamisation et de noyautage de l'appareil de l'Etat, entamé pendant le règne de la troïka, la coalition gouvernementale qu'il a dominé (décembre 2011-janvier 2014). Le but ultime d'Ennahdha est de préparer les élections de 2019 pour annoncer l'avènement de l'Etat islamique en Tunisie.
Nida Tounes et toutes les familles démocratiques et modernistes ne doivent pas faire confiance à Ennahdha qui a montré, à maintes reprises, son projet obscur bâti essentiellement sur la promotion de l'islam politique.
Tout le monde se rappelle de la vidéo montrant Rached Ghannouchi en train d'expliquer à un groupe de salafistes qu'il faut faire preuve de patience tout en les invitant à s'implanter dans le tissu associatif et éducatif.
Tout le monde se rappelle des assassinats politiques et des actes terroristes traduisant le laxisme et le laisser-aller de la troïka.
Tout le monde se rappelle de la résistance de la société tunisienne pour défendre le code du statut personnel et imposer l'égalité entre les sexes à la place de la «complémentarité» entre la femme à l'homme qu'Ennahdhaa tenté de faire passer dans le texte de la constitution.
Ennahdha doit rester en dehors de la gestion gouvernementale. Son rôle doit se limiter à celui d'opposant, garanti par la nouvelle constitution. En tant que composante au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, il dispose, à l'instar des autres partis, de droits lui permettant d'exercer son rôle parlementaire et lui garantissant une représentativité adéquate et effective dans les instances du parlement.
Toutefois, l'article 60 de la constitution rappelle aux partis d'opposition que parmi leurs obligations figure «la participation active et constructive au travail parlementaire».
Les Tunisiens ont choisi un projet de société moderniste, choix confirmé par le vote pour les partis démocratiques. C'est un projet qui ne se conjugue pas avec une autre conception de société diamétralement opposée notamment théocratique.
La notion d'alternance au pouvoir ne tolère pas une alliance entre Nida Tounes et Ennahdha. Et la survie politique de Nida Tounes ne permet aucun écart sinon ce parti démocratique risque de subir le sort du Congrès pour la république (CpR) et Ettakatol, laminés au terme de trois ans d'alliance avec les islamistes.
*Mohamed Salah Kasmi, écrivain et essayiste, auteur de ''Tunisie : l'islam local face à l'islam importé'' paru chez L'Harmattan à Paris en octobre 2014.
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