On appréciait beaucoup l'homme et le penseur pour son honnêteté intellectuelle, quand il débattait sur les plateaux de télévision avec des gens souvent de mauvaise foi.
Par Rachid Barnat
Abdelwaheb Meddeb était un homme de grande culture. Il maîtrisait celles dans lesquelles il a baigné depuis l'enfance : l'arabo-musulmane et la française.
Il était, indéniablement, l'un des héritiers du siècle des Lumières, comme beaucoup d'intellectuels tunisiens de sa génération. Ce qui ne l'a pas empêché de piocher dans la culture arabe classique et, plus particulièrement, dans l'histoire et la théologie islamiques, pour essayer de comprendre les raisons qui ont conduit le monde dit «arabo-musulman» à rester à la traîne des civilisations modernes.
C'est par sa famille de grands érudits et, surtout, par son père, qui fut imam, qu'il a eu le goût et la curiosité pour l'islam, comme religion, culture et histoire.
Sa connaissance profonde de la culture occidentale en général et française en particulier lui a permis de jouer un rôle de passeur entre les deux rives de la Méditerranée, aussi bien pour les Tunisiens que pour les Français, les deux peuples qui lui sont chers, et bien au-delà.
On appréciait beaucoup l'homme et le penseur pour son honnêteté intellectuelle, sa principale force, quand, par exemple, il débattait sur les plateaux de télévision avec des gens souvent de mauvaise foi.
Cet intellectuel engagé (et militant acharné contre l'obscurantisme) était mon e-ami sur Facebook. J'ai le souvenir d'un appel que j'ai posté sur son mur pour qu'il éclaire par son savoir les Tunisiens pris de doute depuis que les Frères musulmans nahdhaouis se sont emparés de leur révolution pour remettre en cause leur identité tunisienne et leur inculquer une nouvelle, «saoudo-wahhabite», sous prétexte de les ramener à leur identité «arabo-musulmane» originelle, qu'ils auraient oubliée.
Dans mon appel, je disais que les intellectuels et les universitaires devaient sortir de leur tour d'ivoire pour éclairer les Tunisiens qui, depuis la révolution de janvier 2011, ont montré, pour la plupart, un grand vide de savoir, et, pour la plupart aussi, une grande volonté de s'instruire. Ce qui les mettrait à l'abri de l'obscurantisme déguisé dans l'habit du sacré et leur donnerait des armes pour répondre aux arguties des ignorants barbus.
Et depuis, je me suis bien régalé de ses postes sur sa page Facebook et de ses articles qui paraissaient dans certains journaux en ligne.
Je garderai de lui l'image d'un homme doux mais ferme. Sa courtoisie, lors des débats consacrés aux questions sociétales, désarmait souvent ses contradicteurs.
Qu'il repose en paix. Sa pensée, à travers ses nombreux livres, continuera de vivre et de faire vivifier la pensée des Tunisiens. Et pas seulement...
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