Les Tunisiens ne font plus confiance à ceux qui mettent en avant leur militantisme d'antan pour masquer leur absence de projet et leur incompétence.
Par Rachid Barnat
Une lecture des résultats électoraux des élections législatives du 26 octobre 2014 montre que les Tunisiens ont pris du recul par rapport au militantisme et n'ont pas admis que le militantisme soit en soi une raison d'obtenir des suffrages et des avantages. Ils ont compris que derrière le militantisme, il fallait rechercher le projet et l'honnêteté de leur porteur. Or ils se sont vite rendu compte que certains militants de toutes sortes de causes (droits de l'homme, communisme, trotskisme, arabisme, islamisme...), avaient fini par croire que leur militantisme leur donnait des droits sur les Tunisiens.
Ils osaient même revendiquer une légitimité venue du seul fait qu'ils avaient milité et que cette légitimité leur donnait des droits; et pire, pour monnayer leur militantisme et obtenir des dédommagements donnant à ce militantisme une valeur marchande, démontrant par là que ce qui les avait poussés à agir ce n'était ni des convictions, ni le patriotisme mais la recherche de postes et de gains! Ce qui a choqué à juste titre les Tunisiens.
La sanction du militantisme dévoyé !!
Si en 2011, ces derniers ont cru en eux, ont salué leur militantisme et ont voté pour ceux qui avaient le plus été persécutés par le régime de Ben Ali, c'est qu'ils croyaient avoir affaire à des gens mus par un idéal et intègres. Trois ans plus tard, les Tunisiens ont eu largement eu le temps de découvrir que leur militantisme n'était ni plus ni moins qu'un moyen pour satisfaire des ambitions personnelles et soigner leur ego.
Le militantisme n'est donc plus, au regard des Tunisiens, un argument suffisant pour se présenter à leurs suffrages ! Ils sont prêts à honorer le militantisme mais encore faut-il que les militants d'hier leur présentent un projet conforme à leur souhait et au bien du pays.
Ahmed Néjib Chebbi, qui est apparenté à Ahmed Mestiri pour qui la révolution n'a été qu'une occasion pour se venger des Destouriens et pour solder ses comptes avec Bourguiba et ses héritiers, en est devenu la victime ! Sinon comment expliquer un parcours qui l'a mené du communisme à l'islamisme, puisqu'il est clair qu'il se compromet aujourd'hui avec Rached Ghannouchi et Ennahdha avec l'espoir qu'ils fassent de lui le nouveau Tartour en remplacement de Tartour 1er !
Sihem Bensedrine, apparentée elle aussi à Ahmed Mestiri, est tombée dans son piège... et la militante des droits de l'homme, tant admirée pour ses combats, se retrouve à se compromettre avec ceux pour qui ce genre de concept, comme bien d'autres, telles que la démocratie... ne sont que des «notions occidentales» dont ils se jouent parce qu'ils n'y croient pas du tout.
Quant à Mohamed Moncef Marzouki, alias Tartour, il est le plus bel exemple démontrant que le militantisme n'est souvent que le faux nez de tous autres projets. Le droit-de-l'hommiste – qui n'a eu de cesse pendant la campagne électorale de 2011 de mettre en avant ce fait comme un faire valoir – a trahi ses électeurs et fut un traître pour la Tunisie. D'ailleurs, les Tunisiens ont très vite découvert sa réalité: celle d'un crypto-islamiste manipulé par son grand frère Ghannouchi auquel il doit d'être «le premier président élu par les Tunisiens», lui qui a été élu en tant que constituant par seulement 7.000 Tunisiens!
Le prétendument défenseur des droits de l'homme n'a pas hésité à soutenir les pires rétrogrades en les invitant au palais de Carthage, souillant de leur présence le symbole de la République et avilissant par la même occasion la fonction de président de la Tunisie. Il a aussi utilisé des milices factieuses labellisées «protectrices de la révolution» (LPR), comme pour mieux narguer les Tunisiens, lui qui n'était pas présent lors de leur révolution, et qui a œuvré à diviser le peuple !
Et que dire de la traîtrise du «groggy du perchoir», alias Mustapha Ben Jaâfar, militant pour l'instauration de la démocratie en Tunisie, qui jurait tous ses dieux qu'il ne s'alliera jamais aux Frères musulmans; et qui, après son parjure, une fois allié d'Ennahdha dont l'avait rapproché Ahmed Mestiri, le démocrate qu'un tel mariage contre-nature ne semble pas déranger (vengeance, quand tu nous tiens !), jurait à nouveau qu'il sera le rempart qui veillera à ce que son grand frère Ghannouchi ne franchisse jamais la ligne jaune! Or, toutes lignes rouges ont été franchies sans qu'il n'ait levé le petit doigt; avalant toutes les couleuvres nahdhaouies!
Le militantisme payé cash par le contribuable
Les Tunisiens lui ont fait payer cash, aux législatives du 26 octobre 2014, sa traîtrise sans aucun égard pour son militantisme; puisque lui et son parti Ettakatol ne représentent désormais plus rien sur la scène politique tunisienne!
Enfin, Hamma Hammami, sans doute le plus sincère et le moins vénal (on n'a pas oublié qu'il fut le seul à avoir été scandalisé que les militants islamistes et leurs comparses «démocrates» aient le culot de demander que leur soient attribuées des indemnisations pour leur prétendu militantisme!), n'a pas réalisé que le communisme est mort avec la chute du mur de Berlin. Il a fallu la clairvoyance de certains intellectuels de son parti pour lui suggérer de délaisser le label «communisme», effrayant pour les Tunisiens, d'autant que Ghannouchi a fait sa campagne électorale en 2011 sur l'athéisme doctrinal des communistes!
Son erreur de tacticien politique est d'avoir soutenu le sit-in de la Kasbah 2 et la revendication des Frères musulmans nahdhaouis pour une nouvelle constitution. S'il était politiquement mûr, il aurait dû se méfier d'une telle demande de la part des Frères musulmans dont le programme est «Coran+Chariâa» ! Alors que la constitution de 1959 était encore parfaitement efficace, moyennant le retrait des articles rajoutés sur mesure pour Ben Ali!
S'il était assez clairvoyant, il aurait épargné aux Tunisiens les 3 années de galère contre l'obscurantisme sacré que tentent d'instaurer ses ex-codétenus islamistes ! Il a fait montre de plus de romantisme que de véritable analyse politique.
Quant à Abderraouf Ayadi, les membres d'Ettakatol, du Congrès pour la république (CpR), de Wafa, mais aussi d'Al-Jomhouri, et autres Alliance démocratique et Courant démocratique... ils ont profité de leur aura de militants pour régler leurs comptes avec les Tunisiens qui ne leur avaient rien demandé. Leur stratégie n'a jamais été le fruit d'une réelle réflexion politique sur l'intérêt du pays mais plutôt le résultat de petits calculs politiciens sans aucune envergure. Ils ne représentent ni ne défendent aucun projet politique sérieux.
Mais ne tirons pas sur les ambulances ! D'autant que pour certains, leur cas relève plutôt de la psychiatrie !
Et depuis que les «militants» parvenus au pouvoir se sont «indemnisés» sur le dos des Tunisiens, d'autres, qui ont été des mercenaires au service de pays étrangers (Événements de Gafsa de 1980) ayant fomenté des coups d'Etat en Tunisie..., sortent aujourd'hui de leur trou pour réclamer eux-aussi leur dû aux Tunisiens en tant que victimes pour avoir été jetés en prison, prenant la Tunisie pour un butin à partager entre voyous, mercenaires et pseudo militants de bas de gamme !
La leçon a-t-elle été comprise?
C'est pourquoi les Tunisiens, après avoir compris que le militantisme de beaucoup n'était qu'un moyen d'obtenir des postes et des prébendes, les ont dégagés avec fermeté et sans discussion aucune. On aurait pu penser que ces fervents adeptes de la démocratie, dont ils se gargarisent, se seraient inclinés et auraient compris la leçon; mais non, ils continuent à se présenter sans aucune dignité aux suffrages du peuple qui, je pense, leur renouvellera la leçon !
Le seul qui ait conservé l'estime de nombreux Tunisiens, c'est Hamma Hammami et c'est, de toute évidence, en hommage à l'honnêteté de ses convictions et de sa pratique.
Maintenant, et pour ces élections présidentielles, le militantisme n'est plus une garantie. Ce qui compte de toute évidence c'est la nature du projet soutenu. Tout cela est un peu dommage car ces militants vénaux ont donné, notamment à la jeunesse, une bien mauvaise image. Le militantisme est une richesse mais, évidement, à deux conditions qui ont fait défaut à nos militants professionnels :
- un projet sérieux, politiquement équilibré et non une utopie ou une idéologie de la régression ;
- et aussi et surtout un désintéressement n'ayant qu'un objectif: le bien commun et non les places et les prébendes.
Lors des élections législatives, les Tunisiens, en rejetant les militants qui se sont saisis de leur révolution avec les résultats et le spectacle affligeants qu'ils leur ont donnés à voir, rejettent aussi dans leur majorité les idéologies qui les animent ! Échaudés, ils ne veulent plus entendre parler de ceux qui mettent en avant leur curriculum vitae de militant pour masquer leurs méconnaissances des rouages de l'Etat et des relations internationales. Ils ne veulent plus entendre de discours idéologiques déconnectés du réel mais aspirent à déléguer leur souveraineté à un homme libre sachant en faire bon usage.
Seraient-ils devenus pragmatiques ? Selon les scrutins, il faut croire que oui. Ce qui expliquerait leur choix pour Béji Caïd Essebsi qui les rassure par son pragmatisme.
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