Comme cela vient d'être de nouveau prouvé lors de l'attaque terroriste contre ''Charlie Hebdo'', l'obscurantisme a deux cibles précises: les forces de l'ordre et l'élite intellectuelle.
Par Jamila Ben Mustapha*
Si un phénomène revêt un aspect mondialisé, c'est bien le terrorisme! Une preuve de cela, c'est ce qui vient de se passer à Paris, le 7 janvier 2015, avec l'agression meurtrière contre les journalistes de ''Charlie Hebdo'', perpétrée par deux extrémistes religieux, les frères Kouachi, et qu'on ne peut éviter de mettre en relation avec ce que nous subissons, depuis quelques années, en Tunisie.
Et, il y a, à ce propos, religieux, et religieux. Soulignons, à ce propos, les paroles responsables du secrétaire général de Hezbollah, Hassan Nasrallah, longtemps qualifié par les Occidentaux de «terroriste» qui, non seulement, condamne la tuerie à Paris, mais affirme que les extrémistes religieux ont nui à l'islam plus que les caricatures, les journaux ou les livres, en faisant tout pour donner de cette religion, une image négative, à travers le monde.
Quant à l'événement bouleversant de mercredi dernier, on peut dire qu'il sort nettement de l'ordinaire puisqu'on a pu le comparer à celui du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis.
Il a en effet, été vécu comme un traumatisme mondial qui a secoué tout être humain convaincu qu'on ne peut remettre en question un texte ou une caricature que par un autre texte ou une autre caricature, en se maintenant strictement à ce niveau, et sans dévier vers la violence fatale et irrémédiable.
Les Tunisiens qui viennent de perdre un énième jeune policier, Mohamed Ali Charaâbi, et sont encore incertains sur le sort de deux de leurs journalistes, Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari, disparus en Libye depuis septembre dernier et dont certains moyens d'information ont déjà annoncé l'exécution, ont des raisons particulières de réagir, douloureusement, à cet événement.
Ce caractère mondialisé du terrorisme s'illustre, en Tunisie et en France, d'abord par le fait qu'un lien certain existe entre Boubaker El-Hakim qui a revendiqué, il y a quelque temps, dans une vidéo, l'assassinat de nos deux martyrs tunisiens, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, et les deux extrémistes franco-algériens venant de sévir en France : le premier a initié l'un des deux frères au jihad.
Autre similitude entre ces deux pays (auxquels on pourrait ajouter l'Algérie des années noires), l'obscurantisme a deux cibles précises: les forces de l'ordre – 3 sont morts à Paris si l'on compte aussi la policière municipale –, mais aussi la fine fleur, l'élite intellectuelle du pays.
C'est ainsi qu'on éprouve le sentiment d'un massacre irréparable, quand on pense autant à Mohamed Brahmi, député courageux, et à Chokri Belaïd, tribun hors-pair, à la parole pleine, dense et quasi-mathématique dans sa description de l'ennemi de l'heure, l'obscurantisme, ce qui lui a valu la mort, qu'à l'équipe de ''Charlie Hebdo'' fauchée récemment, formée d'esprits caustiques, irrévérencieux, ayant érigé la dérision comme vision du monde, et à toute cette classe d'intellectuels algériens systématiquement éliminés par l'extrémisme aveugle, dans les années 90.
Devant tous ces cas, on ne peut qu'éprouver une horrible impression de gratuité et d'absurdité concernant des pertes d'autant plus douloureuses qu'elles sont, non pas fatales, subies à la suite d'un accident ou d'une maladie, mais produit de la volonté des hommes.
Reste pour les experts de la lutte contre le terrorisme, dans tous les pays, à nouer les liens multiples, à travers les frontières, existant entre tous ces actes violents simultanés ou successifs et à élaborer, contre eux, une stratégie s'exprimant, non seulement, par la réaction immédiate et répressive, mais surtout, par la volonté d'éradication, à long terme, de ce terrible phénomène.
*Universitaire.
Illustration: Manifestantes contre le terrorisme en face de l'ambassade de France à Tunis.
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