Beaucoup d'enseignants ont développé un circuit parallèle d'enseignement, réservant le «savoir» à ceux d'entre leurs élèves qui veulent bien s'inscrire à leurs cours particuliers.
Par Rachid Barnat
Ce système, qui frise le racket, permet aux enseignants d'arrondir les fins du mois si ce n'est plus – puisque les parents désireux de voir réussir leurs enfants sont obligés de céder à la pression des enseignants incitant leurs élèves à prendre des cours particuliers –, mais il ne rehausse pas le niveau de l'enseignement, au contraire!
Tout s'achète et tout se vend
Certains parents, dans le besoin, se sacrifient pour assurer un avenir à leurs gosses... et cèdent à la tentation de leur donner «plus de chance» par des cours particuliers.
Certains enseignants poussent l'injustice du savoir jusqu'à vendre à leurs élèves les épreuves des examens leur garantissant la «réussite».
Avec la multiplication des écoles privées, les meilleurs enseignants les préfèrent à l'école publique.
Le recrutement des enseignants ne se fait plus au mérite mais s'achète par l'argent ou se fait par le biais du piston.
Les diplômes aussi se vendent et s'achètent... comme tout le reste d'ailleurs, depuis la généralisation de la corruption sous le régime de Ben Ali.
Un père raconte comment il a aidé sa fille à faire son cursus scolaire jusqu'au doctorat et devenir professeur de lettres à la fac. La fille n'est pas brillante, loin de là. Qu'à cela ne tienne : le père, profitant du système de corruption mis en place dans cette auguste institution, tout naturellement inscrivait sa fille aux cours particuliers, lui achetant les épreuves à chaque étape. Arrivée à l'université, il a procédé de la même manière puisque même les professeurs des facultés ont développé les «cours particuliers» et la «vente» des épreuves des examens à leurs «clients».
Résultat : voilà une fille doctorante en lettres qui enseigne le français à la faculté... mais qui le parle et l'écrit comme un pied! Comment s'étonner dès lors du niveau du français des étudiants qu'elle forme?
Les exemples comme celui-ci, tous les Tunisiens en en ont. Et ce ne sont pas les écoles coraniques, qui se sont multipliées sous l'ex-troïka dominée par les Frères musulmans, qui vont relever le niveau des jeunes.
Une éducation nationale schizophrène
En ce qui concerne la double culture et la langue française qu'affectionnent tant les Tunisiens, il faut rappeler que l'enseignement voulu par Bourguiba a été le bilinguisme en leur inculquant, sans complexe aucun, la culture française en plus de la culture arabe, y voyant un enrichissement pour son peuple. Certains ont maîtrisé l'arabe mieux que le français, d'autre ont fait l'inverse et bien d'autres, les deux à la fois.
Ce qui n'a pas empêché un certain ostracisme entretenu par des gens complexés de l'Histoire (panislamistes et panarabistes) mais aussi vis-à-vis de la France, qui aspirent à une culture unique et à une langue unique: l'arabe.
Pour couper l'herbe sous leurs pieds, Ben Ali a décidé de revenir sur le système de la double culture instaurée par son prédécesseur en arabisant l'enseignement et en réduisant l'apprentissage de la langue française à une simple langue étrangère. Sauf qu'une fois arrivé au niveau universitaire, beaucoup de filières sont enseignées uniquement en français, alors que beaucoup d'étudiants ne maîtrisent pas cette langue, ce qui complique leur formation.
Résultat: l'éducation nationale devient schizophrène avec cette réforme qui produit des diplômés ne maîtrisant ni l'arabe et encore moins le français... que ce soit par la langue ou par la culture! Ce qui explique la baisse du niveau général des étudiants formés dans le système public.
Pour échapper à cette «paupérisation» du savoir, les plus nantis orientent leurs enfants vers des écoles et des universités privées qui ont conservé, pour la plupart d'entre elles, l'ancien système qui a fait ses preuves.
Alors, question à notre ministre de l'Education nationale, Néji Djelloul : comment faire pour redonner à la Tunisie les nouveaux hussards pour poursuivre l'oeuvre de ceux qui les ont précédés et construire la nouvelle république?
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