Si Ghannouchi se résigne à dénoncer le terrorisme islamiste, ce n'est qu'une stratégie de communication des islamistes en perte de vitesse et battant en retraite.
Par Rachid Barnat
A l'occasion de la grande marche du Bardo contre le terrorisme, Ghannouchi a publié dans ''Le Monde'' un article sous le titre «Musulmans modérés et laïcs, tous unis contre le terrorisme"!
Il s'agit, selon certains, d'une opération de communication dans laquelle l'étranger n'est pas absent mais qui a, une nouvelle fois, le mérite de faire éclater la fourberie et la ruse du président du parti islamiste Ennahdha.
Ce faisant, il emploie cette expression, qui fait flores en Occident, d'islamistes modérés en la transformant volontairement au passage en «musulmans modérés»; ce qui est une nouvelle tromperie.
De simples ruses de langage
Dans son article, il parle, çà et là, d'islamistes «modérés» et de laïcs «modérés», comme s'il y a des laïcs extrémistes qui tuent les agents de l'ordre et font exploser des voitures piégées!
Il ne manquerait plus que des terroristes «modérés» pour compléter la manipulation intellectuelle qui sous-tend son discours.
1 / Arrêtons-nous sur cette opposition «musulmans modérés» et laïcs. Est-ce à dire que les laïcs ne sont pas musulmans?
Voilà où est la tromperie volontaire de ce vieil obscurantiste. Il veut faire passer le message que les laïcs ne sont pas des musulmans; et en cela il commet une forfaiture. Il y a parmi les laïcs beaucoup, sinon la majorité des Tunisiens, qui sont musulmans; de bons musulmans et sans doute même meilleurs musulmans que ne l'est Ghannouchi lui-même. Mais qui veulent, conformément au vrai sens de la religion, que celle-ci soit celle des cœurs, du for intérieur, sans l'ostentation qu'impose le fondamentalisme qui fonde la confrérie des Frères musulmans à laquelle appartient Ghannouchi et qui instrumentalise la religion pour accéder au pouvoir et le conserver.
La différence entre cette majorité de musulmans laïcs et Ghannouchi, c'est qu'ils ne se vantent pas d'être bons musulmans: ils se contentent d'agir comme tels. Ils ne se servent pas de la religion comme d'un étendard. Ils n'instrumentalisent pas la religion comme le fait Ghannouchi, qui en fait un fond de commerce. Quand on connaît la façon dont ce dernier a fait fortune, on ne peut s'empêcher de douter sérieusement que cet homme soit un «bon musulman», pour ne pas dire qu'il est un hypocrite au sens du Coran, c'est-à-dire «mounafik», un faux musulman.
Voilà la réalité que feint d'ignorer Ghannouchi et que beaucoup de médias occidentaux ignorent de manière scandaleuse, ou feignent d'ignorer; puisqu'ils font le jeu non pas des musulmans modérés comme dit Ghannouchi mais des islamistes prétendument modérés; car ce qui fonde l'idéologie de tous les islamistes c'est le fondamentalisme islamique dont plus grand monde n'ignore les liens organiques avec la violence et le terrorisme auxquels.
2/ La deuxième tromperie de Ghannouchi consiste à parler précisément de «musulmans modérés», alors qu'il s'agit d'islamistes comme ceux de la confrérie internationale des Frères musulmans que l'Occident et certains pétro-monarques soutiennent.
Le comble de la tromperie c'est quand il parle à la fois d'islamistes «modérés» et de laïcs «modérés». Comme si la laïcité était une religion. Du reste, c'est l'ambiguïté qu'il n'a cessée d'entretenir dans ses discours aux Tunisiens, leur faisant croire que la laïcité est une religion qu'il faut combattre et tuer ses adeptes.
Ces ruses de langage de Ghannouchi ne trompent que ceux qui veulent bien se laisser tromper.
Alors que l'islamisme même prétendument «modéré» instrumentalise la religion, Ghannouchi sait pertinemment que la laïcité n'a jamais été une religion. Il sait qu'elle n'est qu'un concept pour exprimer la séparation de l'Etat de la religion d'une part; et l'assurance pour toutes les croyances (religieuse, agnostique et athée) de cohabiter en paix, toutes protégées par un Etat civil et laïc, d'autre part !
L'instauration de la charia par petites touches
A moins qu'il exprime par «laïcs modérés» le souhait que les laïcs tunisiens s'accommodent de l'intrusion de la religion dans la sphère publique par des brèches qui finiront à terme par avoir raison de la laïcité, pour préparer la société tunisienne à l'instauration de la charia. Prenant exemple sur Erdogan, son Frère musulman turc qui, par petites touches, est en voie d'abolir la laïcité pour remplacer l'Etat civil par un Etat théocratique (Califat) où la charia remplacera, à terme, le code civil.
Si Ghannouchi semble se «ranger» au point de dénoncer le terrorisme, ce n'est qu'une stratégie de communication des Frères musulmans dans la tourmente depuis que cette organisation a été déclarée terroriste par de nombreux pays.
S'il semble, aujourd'hui, refuser la violence, il l'a prônée il n'y a pas si longtemps encore; car il ne faut pas oublier que, dans l'idéologie des Frère musulman, la violence et le terrorisme sont prescrits comme moyens pour accéder au pouvoir.
Les violents sont simplement moins rusés et y vont par la force là où Ghannouchi veut aller par la tromperie, la ruse et le double langage, appliquant la fameuse règle la «taqyia» des «Frères», où le mensonge devient «halal» (licite), dès lors qu'il sert les intérêts de la confrérie. Rappelons-nous ses promesses aux salafistes dans la fameuse vidéo «fuitée».
Quant à ses recommandations de ne pas exploiter l'ignorance et la pauvreté des gens, terreaux du terrorisme, on se demande s'il ne se moque pas du monde lui qui était aux commandes, durant trois ans, quand ses deux gouvernements ont laissé se développer les crèches et les écoles coraniques au détriment des écoles publiques, et ont livré la Tunisie aux pseudos imams et autres prédicateurs obscurantistes venus d'Arabie diffuser le poison wahhabite pour endoctriner et recruter les jeunes qui vont grossir les rangs des terroristes en Syrie et servir de chair à canon à l'émir du Qatar, grand protecteur des «Frères»... avec la complicité de la troïka d'alors !
Quant l'exception tunisienne et ses quatre fondements totalement assimilés par le parti Ennahdha, ne nous leurrons pas. Si Ghannouchi semble découvrir les vertus de l'union nationale, de la gouvernance collégiale et autres consensus et dialogue national, ce ne sont que des étapes stratégiques, le temps pour lui et pour son parti de se refaire une virginité qui doit passer nécessairement par une amnistie générale pour mettre hors de danger ses hommes pour n'avoir plus à répondre de leurs crimes et de leurs malversations qui ont, durant les trois années de pouvoir d'Ennahdha, dépassé et de loin ceux de Zine El-Abidine Ben Ali.
Malheureusement, Nidaa Tounes s'oriente une fois de plus vers cette réconciliation nationale pour amnistier de leurs crimes Ghannouchi et ses hommes, dans l'espoir de calmer le jeu des «Frères». Ce que Béji Caïd Essebsi semble oublier, c'est que la violence et le terrorisme sont dans la culture des Frères musulmans. Ils y recourront chaque fois qu'ils se retrouveront dans des difficultés ou dans une impasse politique, comme nous le rappelait leur victime Chokri Belaid. Les rejeter c'est rejeter leur islamisme ! Et rejeter leur islamisme, c'est rejeter l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Or ils n'ont qu'une doctrine, celle élaborée par Hassan El-Banna dans les années 1920 et «repensée» par Saïd Qutb, il y a plus de quarante ans !!
Non, Ghannouchi ne représente en aucune façon les musulmans modérés. Il ne représente que les islamistes et ce n'est pas du tout la même chose. La trouvaille d'islamistes «modérés», est politique. Ceux qui l'ont trouvée pensent duper les peuples auxquels ils veulent imposer l'idéologie des Frères musulmans d'une manière ou d'une autre : ce sont les dirigeants américains, européens et leurs amis pétro-monarques !
Ghannouchi n'a fait que reprendre cette «trouvaille» pour l'étendre aux laïcs et aux musulmans pour créer une nouvelle fois la confusion et poursuivre les objectifs de ses «Frères» fondamentalistes radicaux.
Mais personne n'est dupe de ces ruses de langage.
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