Octobre 2012, mois des «procès de la honte» en Tunisie

Après un «septembre noir», marqué par des violences perpétrées par des groupes salafistes, et qui ont culminé avec l’attaque de l’ambassade américaine, voilà qu’octobre se profile comme le mois des «procès de la honte».

 Par Moez Ben Salem

 

En effet, tout le monde se rappelle d’un certain 2 octobre, date de l’ouverture au Tribunal de Tunis, d’un procès qui a ému la planète entière, celui d’une jeune femme victime un mois auparavant d’un viol collectif commis par des policiers et qui se retrouve elle-même poursuivie en justice pour outrage à la pudeur.

De la femme violée au professeur agressé

Ce jour là, les médias du monde entier se sont intéressés à la Tunisie. Nous aurions bien aimé que cet intérêt pour notre pays soit lié à une découverte scientifique majeure ou bien à l’obtention d’un prix Nobel par un(e) Tunisien(ne), mais ce n’était pas du tout le cas, bien au contraire, c’était un terrible sentiment d’injustice provoquant un profond dégoût qui faisait que notre pays fasse la une des journaux, y compris dans des pays fort lointains, comme l’Australie ou la Nouvelle Zélande!

Des niqabées veulent imposer leur loi à l'université.

 Des niqabées veulent imposer leur loi à l'université.

Trois semaines après, et plus précisément le 25 octobre, va s’ouvrir un nouveau procès, non moins scandaleux, celui du doyen de la Faculté des lettres de la Manouba, Habib Kazdaghli, accusé d’avoir agressé une étudiante niqabée de ladite Faculté.

Rappelons brièvement les faits: lors des graves troubles qui se sont produits l’an dernier dans cette faculté et dans un climat d’extrême tension lié au refus légitime de la part du doyen et du corps enseignant de ladite faculté d’autoriser des étudiantes en niqab de passer des examens, deux parmi ces étudiantes sont entrées de force dans le bureau du doyen pour se livrer à un véritable saccage, détériorant le mobilier, éparpillant les dossiers et se permettant même de bousculer le professeur Kazdaghli. L’une d’elle s’est permise ensuite de porter plainte contre ce dernier, prétendant qu’il l’aurait violentée!

Le même jour, le bureau du doyen a été également la cible de jets de pierre de la part de certaines personnes totalement étrangères à la faculté, l’une d’elles se permettant de bafouer le sentiment national des Tunisiens en profanant le drapeau national et en le remplaçant par la bannière noire des Salafistes.

Manifestation de soutien à la jeune femme violée et accusée d'atteinte aux moeurs.Manifestation de soutien à la jeune femme violée et accusée d'atteinte aux moeurs.

L’enceinte universitaire profanée

Dans un Etat de droit, ce serait plutôt les étudiantes entrées de force dans le bureau du doyen qui seraient poursuivies en justice. Malheureusement, les rôles, dans ce cas d’espèce, sont inversés et c’est M. Kazdaghli, qui se trouve poursuivi, alors que les deux étudiantes ne sont nullement inquiétées et que le profanateur du drapeau national est libre comme le vent.

Le «crime» de M. Kazdaghli: il refuse de s’inscrire dans un modèle de société contraire à la modernité, devenant ainsi le symbole de la résistance contre les exactions des Salafistes.

Une première audience s’est tenue, le 5 juillet dernier, au Tribunal de la Manouba. Contre toute attente, une peine incroyablement lourde de 5 années de prison a été requise contre M. Kazdaghli, suscitant une vive réaction de la société civile tunisienne mais également de certaines instances internationales qui y ont vu un véritable procès politique.

Nadia Jelassi pose devant son oeuvre incriminée.

Nadia Jelassi pose devant son oeuvre incriminée.

Ce procès, qui s’ouvre à nouveau le 25 octobre, sera un grand test pour la justice tunisienne: nous sauront alors si elle est libre et débarrassée de la tutelle du ministère de la Justice ou si elle demeurée inféodée au pouvoir exécutif, comme au temps du dictateur déchu!