Pour ne pas se faire piéger par une nouvelle initiative sans lendemain du président Marzouki, les partis de l'opposition doivent se montrer fermes dans l'expression de revendications pour la prochaine étape.
Par Rachid Barnat
Le président de la république provisoire Moncef Marzouki envisage de réunir l'ensemble des partis politiques pour tenter de sortir de la grave crise de confiance à la suite des évènements de Siliana. C'est, sans doute, pour ce pouvoir aux abois une manière de tenter de créer une sorte d'union nationale. Soit, mais l'opposition doit bien se garder de tomber dans ce piège. Elle doit répondre évidemment à cette invitation mais en publiant clairement ses objectifs et se montrer ferme dans leur défense.
Voici donc le texte que, pour ma part, je suggérerai aux partis d'opposition qui devraient avoir là une occasion de se réunir et d'exiger certains changements.
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Nous, l'ensemble des partis de l'opposition, rappelons que le pouvoir actuel, issu des élections du 23 octobre 2011, est devenu illégitime le 23 octobre 2012. Qu'il n'avait, en effet, été élu que pour un an, le temps de rédiger une nouvelle constitution ainsi que l'avait clairement précisé le décret de convocation aux élections, sans parler de l'accord sur ce point qui avait été signé par 11 partis politiques, dont celui d'Ennahdha. Et qu'ainsi, le 23 octobre 2012, ce pouvoir devenait illégitime sur les plans juridique, politique et moral.
L'ensemble de l'opposition a cependant, en décevant d'ailleurs nombre de ses partisans, accepté tacitement la prolongation de ce pouvoir en continuant à siéger à l'Assemblée nationale constituante (Anc) mais après avoir exprimé lors de la réunion de consensus organisée par l'Ugtt un certain nombre d'exigences :
- la dissolution des comités dits de «protection de la révolution»;
- le changement dans la composition du gouvernement et le départ des ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères;
- la constitution d'un gouvernement plus resserré et formé de personnes techniquement compétentes;
- un calendrier pour les prochaines élections.
Le pouvoir n'a satisfait aucune de ses revendications et vient de se comporter de manière très fruste et, surtout, incompétente dans la gestion des revendications des habitants de Siliana.
M. Marzouki a décidé de réunir l'ensemble des partis le mardi 4 décembre. Nous acceptons évidement de participer à cette réunion mais nous tenons à indiquer clairement nos exigences et nous indiquons clairement ci-dessous les demandes expresses et fermes de l'ensemble des partis d'opposition signataires, en précisant que, faute d'obtenir satisfaction sur ces points essentiels, nous considérerons à nouveau que le pouvoir a perdu toute légitimité démocratique.
Nos réclamations sont les suivantes:
- le changement du gouvernement dont chacun a constaté l'échec patent en constituant, ainsi que l'a d'ailleurs préconisé M. Marzouki lui-même, un gouvernement plus restreint et composé de techniciens. Nous exigeons, en toutes hypothèses et, au minimum, le changement des ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères;
- la dissolution sans condition des comités dits de défense de la révolution qui sont à l'origine de voies de fait insupportables et qui veulent se substituer à la justice, ce qui est totalement inacceptable dans un pays démocratique;
- l'interdiction absolue des prêches politiques dans les mosquées sous peine de sanction pénales, surtout après le prêche politique récent dans une mosquée d'un imam wahhabite qui s'en est pris à l'opposition, transformant un prêche dans une mosquée en meeting politique;
- la mise en place d'un calendrier pour l'adoption de la constitution, dont la rédaction traîne volontairement en longueur d'une manière qui devient scandaleuse, ainsi que pour les élections;
- le vote rapide d'une instance neutre et indépendante pour l'organisation et le contrôle de la loyauté des prochaines élections.
Faute d'obtenir satisfaction sur ces points légitimes, les partis signataires unanimes de cette déclaration considéreront que le pouvoir en place a perdu définitivement toute légitimité et se réserveront le droit de ne plus participer à la vie politique institutionnelle qui deviendrait de ce fait une mascarade.