Avec l'accord Ugtt-gouvernement, qui signe la capitulation de la centrale syndicale face à la dictature rampante, il ne reste aux Tunisiens que de compter sur eux-mêmes pour dégager la dictature qui se met en place.
Par Rachid Barnat
Bien la peine de nous faire tout un cirque et d'invoquer Farhat Hached, qui doit se retourner dans sa tombe de voir ses enfants se faire rouler dans la farine par manque de vision politique et de hauteur de vue... se contentant d'un règlement grotesque, consistant en une enquête pour savoir qui a frappé le premier! Des gamins de récré feraient mieux! Désolant!
Une reculade historique
On peut se demander, devant une telle reculade historique, ce que Lotfi Zitoun & CO ont pu proposer pour berner le bureau exécutif de la plus grande centrale syndicale, unique en son genre dans le monde dit «arabo musulman», pour faire que l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) se dégonfle comme une baudruche!
On ne peut admettre qu'il n'y ait pas eu de marchandage pour se départir si facilement du patriotisme et oublier le nationalisme que les hommes de l'Ugtt donnaient à voir sur les plateaux TV ! Il faut croire que ce n'était que du spectacle! Affligeant!
L'opposition a fait rater aux Tunisiens un rendez-vous historique, celui du 23 octobre, pour confirmer la fin du mandat qui a été accordé aux constituants : en leur refusant toute manifestation! En posant des conditions à Ghannouchi, mais sans avoir la moindre garantie: dissolution des comités de la protection de la révolution, remplacement des ministres nahdhaouis à la tête des ministères régaliens (Intérieur, Justice et Affaires étrangères) par des hommes neutres ou mieux par des technocrates, formation d'un gouvernement restreint, reconduction de l'Isie ou mise en route de celle qui la remplacera, et fixation des dates des élections...
Evidemment, Ghannouchi n'a respecté aucune de ces conditions et ses hommes, plus arrogants que jamais, vont narguer l'opposition sur tous les plateaux de télévision!
La dernière digue vient de céder
Et voilà que l'Ugtt, en position pourtant très forte, se plie elle aussi aux volontés de celui, qui, il n'y a pas encore longtemps, l'accusait de vouloir provoquer le chaos et de mener le pays à sa perte.. empêche les Tunisiens de faire la grève générale et donc de manifester leur mécontentement! Les dirigeants syndicalistes «oublient» d'exiger en contrepartie la dissolution de la milice d'Ennahdha, les pseudos «ligues de protection de la révolution», la démission du gouvernement devenu à nouveau illégitime depuis qu'il a autorisé de tirer dans la foule et la formation d'un gouvernent restreint avec aux postes régaliens des «hommes neutres» ou des technocrates.
La naïveté des responsables de l'Ugtt est choquante: ils ont annulé une grève annoncée à cor et à cri, parce que, tout à coup, ils ont craint que la situation de la Tunisie se dégrade et parce que le gouvernement leur propose enfin le dialogue! Mais quel dialogue? Cela fait un an que l'opposition, la société civile, les syndicats, les journalistes, les enseignants... veulent le dialogue avec un parti qui les méprise et un gouvernement totalement sourd à leurs revendications!
Certains laissent entendre que cette reconnaissance officielle du rôle de l’Ugtt est la victoire d’un clan d’Ennahdha sur un autre. Peut être est-ce exact ? Mais c’est en tous cas, à coup sûr, l’affaiblissement dans l’opinion, de l’Ugtt. Ce syndicat avait-il besoin que le pouvoir le reconnaisse? N’avait il pas une légitimité historique? Belle victoire en vérité ! On dira aussi que c’est d’une certaine manière l’application de la règle du consensus dont le professeur Yadh Ben Achour décrit l’utilité dans un texte récent. Certes mais dans le consensus il faut des compromis et que chacun y gagne! Mais on voit mal ce que l’Ugtt a gagné.
Ghannouchi une fois de plus a réussi son coup de bluff... moyennant des «arguments» dont on aimerait bien connaître la teneur! L'histoire nous dira un jour qui a trahi son pays. Et pour quels obscurs desseins.
Pauvre Tunisie, pauvre Tunisiens ! On ne mérite pas ça!
En tout cas, le résultat des courses c'est que Ghannouchi est parvenu à discréditer à jamais cette grande institution qu'était l'Ugtt !
Désormais il ne reste aux Tunisiens que de compter sur eux-mêmes et sur ce qui reste d'hommes intègres dans la société civile et dans l'opposition pour dégager la dictature qui va se mettre en place, maintenant que la dernière digue a cédé !