Après avoir ouvert le pays aux prédicateurs extrémistes, les dirigeants du parti islamiste Ennahdha feignent de redécouvrir le malékisme plus modéré de leurs ancêtres. Ce n'est qu'un repli tactique...
Par Rachid Barnat
Depuis son retour d'exil londonien, Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste Ennahdha, et ses hommes ont pris par surprise les Tunisiens pour chevaucher leur révolution et tenter de leur fourguer le wahhabisme de celui qui les soutient médiatiquement grâce à sa chaîne Al-Jazira et qui les finance outrageusement en s'invitant dans les affaires de la république tunisienne sous prétexte d'aider à y instaurer une démocratie, alors qu'en réalité il cherche à mieux avorter la révolution de la liberté et de la dignité, afin d'éviter qu'elle contamine les pétromonarchies du Golfe et d'Arabie!
Tapis rouges pour les prédicateurs salafistes
Pour cela, Ghannouchi et «son» gouvernement ont invité des prédicateurs venant des pétromonarchies pour compléter le «prosélytisme cathodique» assuré par les chaînes TV de leurs amis pétro-monarques par des prêches sur le terrain et dans nos mosquées!
Devant le rejet grandissant des Tunisiens de cette obédience et du modèle sociétal qui l'accompagne, et à l'instar de leurs ancêtres qui, en leur temps, l'avaient rejetée eux aussi, voilà que Ghannouchi et ses hommes changent de tactique politique!
Abdelfatah Mourou, la vitrine et avocat du parti, fut le premier à s'inquiéter hypocritement de cette invasion wahhabite, avant de se voir «bombarder» vice-président d'Ennahdha, et de devenir un porte-voix de ce parti et le responsable de son service après-vente!
Lui le théologien est parfaitement au courant des manigances de Ghannouchi, son ami et cofondateur du parti Ennahdha, comme de l'hégémonie actuelle du Qatar sur la Tunisie qui frise la colonisation religieuse...
Lui, qui recevait à bras ouvert les prédicateurs vedettes d'Al-Jazira recommandés (imposés?) par l'émir du Qatar, ou autres imams envoyés spéciaux du roi Ibn Saoud..., ne voilà-t-il pas qu'il découvre subitement toutes leurs magouilles, pour crier haro sur le wahhabisme et nous mettre en garde contre l'ingérence des pétro-monarques?
Naïf et faux naïf ce Mourou? Avec ses airs débonnaires de citadin tunisois et sa gouaille populaire, il ne dupe plus personne! Comment peut-il être à ce point hypocrite, lui qui écoutait sans broncher les conseils du prédicateur Wajdi Ghanim lui recommandant d'arracher la prochaine génération d'enfants tunisiens à leur parents, pour les mieux les éduquer et en faire de «bons musulmans», lui signifiant par là que, pour changer la société, il faut une ou deux générations, en excluant les actuels parents qu'il ne peut atteindre car considérés par lui comme une génération perdue, donc de «mauvais musulmans», car difficile à convertir au wahhabisme que voudrait pour la Tunisie les pétro-monarques!
Des ruses pour berner les Tunisiens
Qui peut croire que Mourou ne se soit réveillé tardivement pour réaliser que ses amis l'émir du Qatar et le roi Ibn Saoud ont des visées d'hégémonie sur la Tunisie, l'un pour contrôler ses richesses et l'autre pour y diffuser son poison: le wahhabisme?
Ou qu'il «découvre» subitement la dangerosité des salafistes, «enfants spirituels» de son ami Ghannouchi? Naïf ou mauvais stratège comme son grand frère Ghannouchi? A moins que ce ne soit une nouvelle posture pour ne pas dire une ruse pour berner les Tunisiens!
Ghannouchi qui, sous prétexte de réconcilier les Tunisiens avec leur identité arabo-musulmane qu'ils auraient perdue, n'a de cesse de leur vendre l'identité «arabe» estampillée saoudienne et, son corollaire, l'identité religieuse estampillée «wahhabite»!
Discours par lequel, faut-il le rappeler, il a su et pu tenir en haleine l'opposition désarçonnée par tant de supercherie «religieuse» de la part de ce tartufe, en occupant toutes les scènes politiques, médiatiques et publiques: puisque toute la campagne pour les élections du 23 octobre 2011 n'a tourné qu'autour de ce thème de l'identité !
Sa volte-face depuis l'incendie de l'ambassade américaine, le 14 septembre dernier, est grotesque s'il croit qu'il a convaincu les Tunisiens par ses condamnations du salafisme jusqu'à renier les «salafistes», ses enfants spirituels, dont hier encore il nous disait que leur activisme violent lui rappelle avec émotion le sien quand il avait leur âge! Les Tunisiens qui ont visionné la fameuse vidéo «fuitée» enregistrée à l'insu de Ghannouchi, savent désormais que pour Ghannouchi et ses «enfants», c'est du pareil au même : blanc bonnet, bonnet blanc!
Les métamorphoses du ministre du culte
Pour faire bonne mesure, le ministre des Affaires religieuses Noureddine el Khadmi, l'imam salafiste de la mosquée El Fath à Tunis, aux discours incendiaires contre les mécréants (entendez les laïcs !), appelant à la violence et au meurtre des opposants au parti Ennahdha et de ceux qui refusent la nouvelle obédience de son gourou Ghannouchi: le salafisme wahhabite.... ce ministre s'invite donc (et s'impose) dans les émissions religieuses de la chaîne de TV nationale Watania 1, pour faire de la propagande pour son parti (par l'image...); et pour rectifier le discours de ce parti et éviter d'«effaroucher» les Tunisiens récalcitrants au wahhabisme, il «découvre» tout à coup, lui aussi, que les Tunisiens sont malékites dans leur immense majorité, et se met à discourir sur la tolérance du malékisme et nous dire tout le bien qu'il pense de cette obédience!
Il donne également des conseils aux pèlerins tunisiens en tenue «occidentale» pour rassurer les «modernistes», comme si l'imam animant cette émission était incapable de le faire seul !
Il découvre, par ailleurs, et «tout à coup», que nos mosquées sont utilisées comme tribune politique, lui qui en a usé et abusé lorsqu'il officiait à la mosquée d'El Fath à Tunis et qui livrait les maisons de Dieu aux prédicateurs obscurantistes venus d'Arabie et du Qatar, aux discours plus violents encore que les siens !
Qui pense-t-il duper? Quelle confusion des genres de la part de ce ministre qui ne fait pas de différence entre son poste politique et son rôle d'imam au point de considérer la TV nationale comme sa nouvelle mosquée pour faire de la propagande à son parti par l'image... quand on connaît l'impact de l'image sur les téléspectateurs. Donc de faire de la politique en apparaissant régulièrement dans des émissions religieuses, devenues, dès lors, une nouvelle tribune pour Ennahdha ! Qui peut encore croire les dirigeants de ce parti ?
Une vraie bande d'hypocrite ! Et j'invite fortement les Tunisiens à ne pas être dupes de ce nouveau discours, c'est-à-dire de ces nouveaux mensonges.
Autrement qui peut croire que les pétro monarques, et surtout le roi Ibn Saoud, vont lâcher la partie aussi facilement; quand on sait qu'ils n'ont eu de cesse de propager et d'imposer par tous les moyens le wahhabisme pour respecter le deal liant leur tribu à celle d'Ibn Abdelwahhab, depuis l'extrême orient jusqu'au Maghreb en passant par l'Afrique noire?
J'espère que les tunisiens ne tomberont pas dans le piège! Car ces islamistes, qui «re-découvrent» subitement l'identité religieuse des Tunisiens à travers leur malékisme ancestral alors qu'ils les ont jugés de «mauvais musulmans» pour qu'ils l'abjurent et se convertissent au wahhabisme... ne peuvent être sincères. Ce n'est qu'un repli tactique pour mieux revenir à la charge et diffuser l'obédience des nouveaux colonisateurs de la Tunisie !