Rachid Barnat écrit – Pour les musulmans, les prières se font à la mosquée ou chez soi. Cela est valable pour les citoyens et davantage pour les hommes politiques, dont chaque fait ou geste a une signification particulière.
J’ai vu en direct, grâce à la Chaîne Nationale 1, la réunion plénière de l’Assemblée constituante du 6 décembre. Transmission des débats en direct, revendiquée entre autres par les facebookers et exaucée par les parlementaires.
Ce qui frappe de prime abord, c’est le calme, la sérénité et la dignité de tous les participants malgré quelques coups d’éclat. La liberté de parole et de ton confirment que la démocratie n’est pas fictive.
Ce qui m’a choqué, en revanche, c’est quand les élus d’Ennahdha ont voulu suspendre la séance de la Constituante pour pouvoir aller faire la prière du «maghreb» (crépuscule). Le président leur a rappelé qu’ils sont libres de rester ou de sortir. Mais il a poursuivi la séance.
La prière n’attend pas ?
Comme un seul homme, tout le groupe parlementaire du parti islamiste tunisien s’est levé pour quitter la salle. La prière n’attend pas !
Par ce geste ostentatoire, que cherchent-ils à prouver ? Qu’ils sont plus musulmans que leurs collègues ? Qu’ils sont «de bons musulmans» et que leurs collègues sont «de mauvais musulmans», ou pour reprendre une terminologie qui leur est chère, que leurs collègues sont «des mécréants» ? Font-ils du zèle, en mettant ainsi leur foi en spectacle ?
Les Tunisiens tireraient grand profit à relire la comédie de Molière : ‘‘Tartufe’’, toujours d’une grande actualité et qui met en scène un religieux parfaitement hypocrite qui donne l’apparence d’une foi profonde et ostentatoire et qui n’en est pas moins un hypocrite et un fieffé coquin. Cela fait rire mais cela met en scène une vérité que je retrouve aujourd’hui.
Il me semble que le peuple tunisien paie ses parlementaires pour le servir. Leurs prières, comme tous les Tunisiens qui travaillent, ils peuvent les rattraper une fois rentrés chez eux. Car dans un tel lieu, l’Assemblée nationale, leur acte n’a rien d’anodin ! Ici, il a valeur de symbole politique.
Or, ces islamistes ne cessent d’instrumentaliser la religion depuis que leur parti a été légalisé. Il faut que cela cesse. Leur comédie peut se retourner contre tout le peuple, si on n’y prend garde !
Le spectacle de la foi
De faire de leur foi un spectacle permanent, cela s’appelle du prosélytisme. Et pour quelle obédience ? Pour une obédience wahhabite étrangère aux Tunisiens attachés au malékisme traditionnel de leurs parents. Malékisme qui réprouve toute ostentation dans l’exercice de sa foi.
Ces hommes politiques n’ont pas à faire étalage permanent de leur foi dans les lieux publics et plus particulièrement dans le parlement de la république. Il faut qu’ils cessent l’amalgame qu’ils font ente la politique et religion !
Leur ostentation choque les Tunisiens attachés à leur obédience malékite, pour qui les prières se font à la mosquée ou chez soi, aussi bien pour eux que pour les hommes politiques. Et davantage pour les élus du peuple, dont chaque acte ou geste a une signification… politique.