C’est une bonne nouvelle pour les Américains, estime l’auteure, directrice exécutive du Centre interreligieux de New York et prêtre associé à l’église épiscopale de St. Mary dans West Harlem à New York.

 

Par le révérend Chloe Breyer


Pas besoin d’être musulman pour trouver de bonnes nouvelles dans l’étude récente sur l’augmentation du nombre de mosquées aux Etats-Unis. Coparrainée par la Société islamique d’Amérique du Nord (Isna), l’Institut Hartford de recherche sur la religion, le Cercle islamique d’Amérique du Nord (Icna) et le Conseil sur les relations américano-islamiques (Cair), cette étude nationale sur les responsables des mosquées aux Etats-Unis a révélé que plus de 900 nouvelles mosquées avaient vu le jour dans le pays depuis 2000 – une période de surveillance accrue de la part des fonctionnaires du gouvernement et de controverses plus nombreuses en matière de construction de mosquées. Sur les 2.106 centres islamiques répertoriés aux Etats-Unis, un quart a été construit au cours de ces dix dernières années.

235 années de lutte

La première bonne nouvelle pour les Américains non-musulmans est que le Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis – le passage déclarant que «le Congrès ne fera aucune loi ayant pour objet l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice» – est en bien meilleur état de marche qu’il n’y paraissait pendant l’été 2010. A cette époque, les protestations faisaient rage contre le projet de construction d’un centre islamique près du site du World Trade Center et donnèrent lieu à un débat national; les manifestations contre les mosquées s’étaient étendues du Tennessee à la Californie. Les propos acerbes à l’encontre des musulmans si fréquents sur les ondes et sur internet cet été là – semblables dans leur contenu et leur ton aux tirades anticatholiques proférées au début du XIXe siècle – représentaient, selon ce qu’il apparaît aujourd’hui, un coup dur passager pour ces 235 années de lutte pour une union plus parfaite.

Cette étude, qui montre que les mosquées sont construites à un rythme soutenu malgré les «craintes des méga-mosquées» attisées lors des débats télévisés sur Fox News, semble signifier que les protestations s'apparentaient à une tempête dans un verre d’eau. En d’autres termes, étant un des pays les plus diversifiés au monde sur le plan religieux, nous avons progressé par à-coups, plus ensemble que séparément.

Un plus grand partenariat interreligieux

La deuxième bonne nouvelle que contient l’étude est le potentiel qu’elle semble indiquer pour un plus grand partenariat interreligieux en vue de régler les problèmes sociaux à travers les religions. Travaillant au Centre interreligieux de New York avec des centaines de responsables religieux d’au moins 15 traditions religieuses différentes depuis 10 ans et demi, nous avons pu créer et renforcer des liens grâce aux responsables religieux et civils en impliquant des leaders religieux de la base dans le règlement des problèmes sociaux communs – de la saisie de logements à la violence domestique. Cette méthodologie nous a aussi permis d’enseigner d’une part, un savoir civique aux couches populaires religieuses et, d’autre part, le respect de la diversité religieuse aux juges, enseignants, travailleurs sociaux et hommes politiques locaux.

Beaucoup de communautés religieuses pensent encore qu’être un responsable civil (à travers des activités qui consistent par exemple à faire partie d’un jury, faire pression sur la mairie, inciter à voter, etc.) signifie laisser sa kippa ou son col romain à l’entrée. Beaucoup des ministres baptistes noirs, collègues de Martin Luther King, Jr, pensaient qu’il devait cesser de se mêler de politique. Ainsi, tout comme dans les églises et les temples, il est difficile de démocratiser l’engagement social dans les mosquées.

Une nouvelle rassurante: l’étude révèle que 98% des responsables de mosquées déclarent que les musulmans devraient être impliqués dans les institutions américaines et 91% sont d’avis que les musulmans devraient être impliqués dans la politique.

D’un point de vue new-yorkais (puisque nous nous vantons d’être l’Etat dans le pays à avoir le plus grand nombre de mosquées, dépassant la Californie avec une mosquée de plus), nous avons une certaine autorité en la matière. Pendant plus de dix ans, nous avons vu, au Centre interreligieux de New York, comment les New-yorkais musulmans travaillaient avec des personnes d’autres confessions pour renforcer le tissu social de nos villes et de nos institutions publiques – offrant à manger aux pauvres dans les soupes populaires halal du Bronx, sensibilisant les populations au Vih/Sida dans les mosquées de Harlem, effectuant en partenariat avec les catholiques romains un travail de proximité pour le Bureau du recensement des Etats-Unis, servant en tant que jurés, œuvrant comme aumônier dans les hôpitaux publics et avec la Croix-Rouge à Ground Zero depuis 2001.

Un plus haut niveau d’engagement civique.

Nos observations anecdotiques sont soutenues par d’autres rapports qui indiquent que les mosquées, tout comme les églises et les synagogues, ont un plus haut niveau d’engagement civique. Les Américains musulmans engagés dans leur mosquée se sont révélé être plus impliqués (à 53%) dans les activités civiques (comme les organisations caritatives, les écoles et/ou programmes pour les jeunes) que ceux qui n’étaient pas liés à une mosquée.

Lutter contre la pauvreté, l’itinérance et l’ignorance est un gros travail. Les New-yorkais musulmans ont, depuis des dizaines d’années, travaillé côte à côte avec des personnes d’autres confessions et des personnes sans confession pour relever ces grands défis. Loin de rendre craintifs les Américains non-musulmans, l’augmentation du nombre des mosquées dans le pays promet de renforcer le tissu social de notre nation.

Source: Common Ground (CGNews).