Mustapha Kamel Nabli a expliqué la mission de la Banque centrale de Tunisie (Bct) aux membres de l’Assemblée nationale constituante et a réaffirmé l’intérêt de préserver l’indépendance de l’institut d’émission.


Le gouverneur de la Bct, auditionné mardi par la commission des finances, de planification et du développement à l’Assemblée nationale constituante (Anc), a cependant tenu à préciser que «l’indépendance de la BCT n’est pas liée à la personne de son gouverneur, mais plutôt, à l’indépendance de l’institut d’émission dans la gestion de la politique monétaire du pays».

«Une bonne gestion technique de la politique monétaire»

A cas où cela n’a pas été bien compris, M. Nabli a ajouté que cette indépendance «ne concerne pas une autorité individuelle» du gouverneur, comme semblent l’avoir compris certains membres du gouvernement, qui croient pouvoir mettre la Bct sous leur coupe en mettant à la tête de l’établissement un gouverneur docile et serviable. L’indépendance consiste, plutôt, a expliqué M. Nabli, en «une bonne gestion technique de la politique monétaire». Traduire: indépendamment des interférences, politiques ou autres, notamment du gouvernement.

M. Nabli a évoqué aussi «la possibilité donnée au parlement de demander des comptes au gouverneur de la banque centrale», pratique en vigueur dans la plupart des démocraties du monde.

M. Nabli a indiqué que l’élaboration de la politique monétaire en Tunisie est l’une des missions du conseil d’administration de la Bct, qui regroupe des représentants du gouvernement et des universitaires spécialisés en la matière.

Le conseil d’administration de la Bct, a-t-il expliqué, se réunit une fois par mois pour faire le suivi de la politique monétaire dans le pays et décider des réformes nécessaires en fonction de la conjoncture économique.

Chaque mois, le conseil publie un communiqué sur la situation économique et financière du pays et décide de changer ou de maintenir inchangés les taux d'intérêt.

La préservation de la stabilité des prix

La politique monétaire adoptée, actuellement, par la Bct est ouverte à tout changement en fonction des circonstances et de la conjoncture économique et financière dans le pays, a encore indiqué le gouverneur de la banque centrale.

M. Nabli a fait remarquer, sur un autre plan, que la préservation de la stabilité des prix représente un objectif principal pour la politique monétaire de la Bct, et ce, conformément à l’article 34 de son statut de l’année 1958, qui lui accorde la prérogative de contrôler les institutions de crédit.

En réponse à la question d’un député, M. Nabli a démenti que la banque ait œuvré, intentionnellement, à «perturber l’action du gouvernement», relevant que l’institution avait, au contraire, averti le gouvernement «à plusieurs reprises et attiré son attention, depuis mars 2012, sur les éventuelles répercussions de la crise dans la zone euro sur l’économie tunisienne».

«La Bct fait des efforts pour prendre les décisions que je qualifie de justes, dans la mesure où elles ont fait preuve d’efficacité, depuis les premiers mois de la révolution, et permis d’éviter l’effondrement de l’économie tunisienne», a-t-il lancé.

M. Nabli a précisé, par ailleurs, que l’institut d’émission est déterminé à ancrer les fondements de la bonne gouvernance dans le secteur bancaire tunisien, puisqu’il a publié, en juin 2011, une circulaire en la matière.

Pour assurer cette bonne gouvernance, la Bct ne doit pas intervenir, d’après lui, dans le recrutement des premiers responsables, que ce soit des banques publiques ou privées, précisant que ceci aura pour avantage de garantir un meilleur contrôle.

Le fardeau des créances classées

M. Nabli a évoqué, par la même occasion, les créances classées, dont le montant a atteint, jusqu’à fin 2011, plus de 7 milliards de dinars, soit 13% de l’ensemble des crédits, indiquant que ces créances alourdissent les charges du secteur bancaire.

Interrogé sur la corruption au sein de la Bct, il a répondu qu’il s’agit de «racontars sans fondements et de fausses allégations», exhortant les députés à présenter des preuves tangibles sur les opérations de corruption.

En ce qui concerne les transferts suspects d’argent pour le compte de Tunisair, le premier responsable de l’institut d’émission a fait savoir que ce transporteur aérien dispose de bureaux installés dans de nombreux pays et a demandé des avances pour le paiement de certaines opérations. Des équipes d’inspection ont été dépêchées sur place (à Tunisair) pour élaborer des rapports de contrôle financier. Dans le cas de confirmation de l’existence d’infractions, le dossier sera soumis aux instances judiciaires, a précisé M. Nabli.

I. B. (avec Tap).