Le ministre du Transport signe avec le Qatar un accord bénéficiant uniquement à Qatar Airways et va ensuite discuter avec les cadres de Tunisair, la compagnie aérienne nationale, grande perdante de l'affaire.
Drôle de gouvernance tout de même : Abdelkérim Harouni, dont le parti (Ennahdha) est très redevable à l'émir du Qatar de ses largesses financières, va signer un accord avec l'émirat du Golfe qui privilégie Qatar Airways, et oublie, au passage, les intérêts de la compagnie nationale tunisienne, Tunisair, qui traverse une très grave crise. La décision, très mal pesée et surtout très maladroite, et à la limite de l'irresponsabilité et de l'incompétence, a de quoi braquer les quelque 8.000 employés de Tunisair, qui n'ont pas tardé de réagir.
On signe d'abord, on discute après !
Le mémorandum d'entente signé entre la Tunisie et le Qatar, dans «un contexte de grande tension, qui a régnée après les faveurs accordées à Tunisavia et Syphax Airlines, pour opérer des vols quotidien entre Tunis et Paris», a provoqué «une grande inquiétude du personnel de Tunisair», a indiqué samedi, la compagnie aérienne nationale dans un communiqué.
Ce mémorandum accorde, dans son article 4, aux compagnies aériennes des deux pays, de bénéficier de la 5e liberté de l'air. Il s'agit d'«un droit ou un privilège, accordé par un Etat à un autre Etat, de transporter dans le contexte des services aériens internationaux réguliers, pour débarquer ou embarquer dans le territoire du premier Etat, du trafic en provenance ou à destination d'un Etat tiers».
Un accord ne bénéficiant qu'à Qatar Airways
Selon le communiqué, le ministre du Transport s'est déplacé le 1er novembre, au siège de Tunisair, afin «d'écouter et de rassurer les cadres de Tunisair sur les retombées de cet accord. Il leur a affirmé que la concrétisation de ce mémorandum est subordonnée à un accord préalable des autorités de l'aviation civile des deux pays». «Il regrette que Tunisair n'ait pas été associée à la négociation de cet accord et a affirmé que dans le futur, elle le sera de plein droit».
Les cadres de Tunisair ont souligné que «tout accord de coopération doit être équilibré, ce qui n'est pas le cas actuellement vu que Tunisair n'opère pas sur Doha et qu'elle n'a pas la flotte nécessaire, pour le moment, pour aller au-delà de ce point. Par conséquent, cet accord n'est bénéfique que pour Qatar Airways».
Ils ont exprimé clairement, «le sentiment d'inquiétude, insistant sur le fait que de telles pratiques ne devraient plus se répéter et que Tunisair en tant que compagnie nationale devrait avoir son mot à dire sur tout ce qui touche l'aviation en Tunisie». Et de rappeler que «Tunisair a toujours soutenu l'Etat dans toutes les opérations non rentables, soit de rapatriement de Tunisiens, soit de retour des travailleurs résidents à l'étranger ou encore les vols du pèlerinage, à chaque fois que l'Etat fait appel à ses services. Il est temps aujourd'hui que l'Etat prenne une position claire pour la soutenir».
Tunisair n'est pas prête pour l'Open Sky
Concernant l'Open Sky, ils ont expliqué au ministre du Transport que «Tunisair n'a jamais refusé le principe de l'ouverture du ciel (prévue depuis 2010). Cependant il y a lieu d'aider Tunisair à se restructurer et à assurer son redressement pour lui permettre d'avoir les moyens de faire face aux exigences de l'ouverture du ciel».
«La situation actuelle, fragilisée par les ingérences antérieures au 14 janvier et aggravée par les accords sociaux post révolution, ne favorise pas une concurrence équitable», estiment les cadres de la compagnie, qui appellent à l'association de Tunisair «dans toutes les étapes des négociations qui vont commencer, le 13 novembre à Bruxelles.»
Ils pensent que «l'ouverture peut être progressive sur les aéroports intérieurs comme Tozeur, Enfidha, Tabarka et Sfax, en attendant la préparation de l'aéroport de Tunis Carthage qui n'est pas actuellement prêt pour une telle opération».
I. B. (avec Tap).