«Le gouvernement devrait abandonner la politique de relance de la consommation et œuvrer, plutôt, à dynamiser l'investissement et l'exportation», a soutenu l'ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Mustapha Kamel Nabli.
La politique économique adoptée en Tunisie après la révolution, soit depuis deux ans, «a montré ses limites», a estimé M. Nabli, qui intervenait au cours d'une rencontre organisée, samedi, à Tunis, par la Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l'information. Selon lui, «deux scénarios sont, aujourd'hui, possibles pour le pays».
La relance par l'investissement et l'exportation
«Le premier est celui de l'enlisement de l'économie nationale alors que le deuxième, optimiste, table sur une reprise, mais conditionnée», a expliqué, M. Nabli, qui tentait de répondre, dans son intervention, à la question-thème de la rencontre: «Quel futur de l'économie tunisienne, deux ans après la révolution?».
Ces deux hypothèses dépendent toujours de l'environnement politique, économique et social qui règnera dans le pays à moyen terme, a indiqué M. Nabli, qui s'est montré peu confiant dans une reprise de l'économie tunisienne dans le court terme, «étant donné la conjoncture difficile situation actuelle dans le pays».
La relance dépendra de la mise en place d'un programme d'initiatives et de projets visant la relance de l'économie.
«Le gouvernement devrait inverser sa démarche actuelle pour rendre cela possible, et ce, en abandonnant ce qu'il appelle politique de relance de la consommation et œuvrer, plutôt, à dynamiser l'investissement et l'exportation», a-t-il soutenu.
Ceci nécessite également la mise en place de mesures radicales pour réformer la finance publique, le système des dépenses et de subvention, le secteur bancaire et celui du tourisme.
Enlisement de la finance publique
Dans le scénario alarmiste, M. Nabli estime que si les conflits sociaux et les problèmes sécuritaires persisteraient et si la situation politique resterait dans le flou, «l'économie tunisienne sera condamnée à l'enlisement». D'après lui, cette situation sera encore grave, en l'absence d'un climat favorable et d'un calendrier clair pour la tenue des prochaines élections. Il a ajouté, dans ce contexte, qu'une telle situation aura des répercussions sur les principaux moteurs de croissance, à savoir, l'investissement, l'exportation et la consommation. «Ainsi, le produit intérieur brut ne pourrait pas dépasser les 3%. Il serait même en-dessous de ce taux», a-t-il averti.
M. Nabli a aussi prévenu contre de véritables dangers auxquels le pays devra faire face, si un climat de marasme persiste. Il s'agit, notamment, de l'incapacité de l'Etat à honorer ses engagements, face à une finance publique enlisée et à la difficulté à drainer des financements extérieurs. Dans ce cas, le gouvernement sera appelé soit à procéder au glissement du prix de change ou à suivre un programme négocié avec les institutions internationales pour examiner les politiques de la finance publique.
A ce propos, l'ex-gouverneur de la BCT a indiqué que le déficit budgétaire réel est estimée, en 2012, à 8% (compte non tenu des ressources exceptionnelles, dons et ressources de privatisation), et non à 6,6%, comme il a été déclaré dans le rapport du gouvernement présenté à l'ANC.
Un autre risque évoqué par l'ex-gouverneur de la BCT, celui de la précarité du secteur bancaire confronté à des difficultés structurelles. Ce secteur «pourrait entrer en crise et ne pourrait pas jouer pleinement son rôle dans le financement de l'économie», a-t-il averti.
Mustapha Kamel Nabli, a été nommé, après la révolution tunisienne de 2011, à la tête de la BCT. Il a été limogé et remplacé par Chedly Ayari, en juin 2012, après des tractations entre le président de la république et le gouvernement, qui lui reprochait d'être trop indépendant.
I. B. (avec Tap)