La Tunisie, qui a vu sa note souveraine abaissée par S&P à BB-, pour la 4e fois, en 2 ans, est désormais classée parmi les pays qui présentent un haut risque de remboursement de leurs dettes.
L'agence de notation américaine Standard and Poor's a en effet annoncé, mardi, avoir baissé d'un cran la note souveraine de la Tunisie à "BB-" contre "BB", assortie d'une perspective négative, en raison de la crise politique qui secoue le pays.
Selon Moez Joudi, expert économique, cité par l'agence Tap, cette nouvelle dégradation de la notation aura pour impact direct une augmentation du coût de la dette de la Tunisie si elle opte de sortir sur les marchés financiers internationaux et ce, en raison de la hausse de la prime de risque sur les crédits.
Domination des intérêts politiques
Avec cette baisse, le pouvoir de négociation de la Tunisie avec les institutions financières, telles que la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) sera réduit, a ajouté l'expert.
Le pays sera, ainsi, dans l'obligation de suivre des réformes «assez contraignantes» qui lui seront imposées par ces institutions, ce qui risque, selon l'expert, de «porter atteinte à la souveraineté nationale».
Revenant aux causes de la baisse de la note de la Tunisie, M. Joudi a indiqué que cette dégradation est motivée, principalement, par la crise politique du pays et le manque de fiabilité des chiffres publiés par le gouvernement, qui ne correspondent pas, parfois, à ceux de l'Institut national de la statistique (INS).
«Ce qui inquiète le plus, de nos jours, c'est la domination des intérêts politiques par rapport à ceux liés à l'économie», a-t-il affirmé.
Pour Moez Labidi, universitaire et expert économique et financier, la baisse de la note de la Tunisie, en plus de son impact direct sur le coût de la dette, pourrait également décourager les investisseurs étrangers à s'installer dans le pays.
La violence politique, déclenchée par l'assassinat, le 6 février, du dirigeant politique Chokri Belaid, pourrait aussi réduire le nombre des touristes visitant le pays et refroidir l'ardeur des investisseurs tunisiens qui ont de bonnes raisons de craindre l'aggravation de ce phénomène. «Ce risque s'est d'ailleurs traduit par la perspective négative assortie à la note de la Tunisie (BB-)», a précisé M. Labidi.
S&P avait également évoqué, dans son communiqué «la fragilité du secteur bancaire tunisien», indiquant «avoir réduit la notation de la Banque centrale tunisienne (BCT), au même niveau que celle de la note souveraine».
Sur ce point, Moez Joudi a indiqué que la baisse de la note de la BCT peut être motivée par plusieurs facteurs dont la sous capitalisation et le morcellement des banques tunisiennes, le manquement à l'application des règles prudentielles, notamment par les banques publiques, le niveau des créances douteuses et la faible modernisation du secteur.
Réforme, feuille de route, visibilité politique...
L'expert a recommandé, à cet effet, de développer de nouveaux métiers financiers, tel que le capital investissement, d'assainir le portefeuille des banques et d'améliorer la contribution du marché financier au financement de l'économie, qui ne représente que de 10%.
Toujours, à propos de la baisse de la note de la BCT, M. Labidi, a expliqué, pour sa part, cette dégradation par le fait que S&P doute de la capacité de l'institut d'émission d'assainir le portefeuille des banques et de réussir à temps les réformes de restructuration du secteur bancaire (fusion de banques, audit, bonne gouvernance...).
Pour l'expert, ces réformes de restructuration pourraient avoir un coût à même d'accentuer les tensions sociales déjà existantes, ce qui freine, en grande partie, la marge de manœuvre de la BCT.
A cette situation vient s'ajouter, selon lui, «le manque de visibilité politique qui bloque les mécanismes de transmission de la politique monétaire vers l'économie réelle».
En effet, a-t-il dit, la politique monétaire de la BCT est entravée par des facteurs qui sont en dehors de sa maîtrise, tels que l'inflation, la dépréciation du dinar, la baisse des réserves de change et le secteur informel.
M. Labidi a ainsi appelé à mettre en place une feuille de route claire à même de rétablir la confiance des citoyens et des investisseurs tant nationaux qu'étrangers afin de garantir la réussite de la transition du pays et d'entreprendre par conséquent les réformes nécessaires.
I. B. (avec Tap).