PetroleAlors que la demande énergétique augmente et que la production baisse, les mouvements sociaux risquent de creuser davantage le déficit de ce secteur vital.

Ridha Bouzouada, directeur général de l'Energie, au ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, fait ce terrible constat: «Alors que 3 puits d'exploration de pétrole ont pu être foré au cours du 1er trimestre 2010, aucun puits n'a pu l’être au cours de la même période de 2014». Cette contre-performance, il l'explique par la poursuite des mouvements sociaux, qui ont eu un impact négatif sur les activités de prospection et de production.

Suppression de 7 permis en 2013

Ceci explique cela: plusieurs études sismiques ont été bloquées et la réalisation de certains puits d'exploration et d'évaluation retardée, en raison de la réticence des compagnies pétrolières à démarrer leurs travaux. Celles-ci craignent d'être obligées d'employer un nombre de personnes dépassant leurs capacités ou voir leurs activités bloquées par des manifestants, a affirmé M. Bouzouada.

«L'ensemble de ces problèmes a été à l'origine de la suppression de 7 permis en 2013 et du non-octroi de nouveaux en 2014», a-t-il encore fait savoir.

Le flou juridique figure, également, parmi les problèmes qui entravent le secteur. L'article 13 de la nouvelle constitution a, en effet, alimenté la crainte des compagnies implantées en Tunisie ou qui envisagent d'investir dans notre pays, a encore indiqué le responsable. Cet article, qui a fait l'objet de plusieurs interprétations, stipule que «les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien, et la souveraineté de l'Etat sur ces ressources est exercée en son nom». «Les contrats d'exploitation relatifs à ces ressources sont soumis à la commission spécialisée au sein de l'Assemblée des représentants du peuple. Les conventions ratifiées relatifs à ces ressources sont soumises à l'assemblée pour approbation», ajoute l’article.

Afin de dissiper les craintes alimentées par ces dispositions constitutionnelles, «les services concernés recommandent de clarifier le cadre juridique, de garantir la stabilité sociale aux compagnies pétrolières et de les encourager à prospecter, tout en améliorant les incitations en vue de développer les champs, qu'ils s’agisse des champs marginaux ou des grands champs pétroliers et gaziers du sud du pays, et ce, en garantissant l'infrastructure nécessaire au transport de la production».

Les services concernés proposent, aussi, d'«identifier les ressources du pays et les stocks des hydrocarbures disponibles dans les zones non traditionnelles».

Baisse des ressources nationales

Selon les données officielles, les ressources nationales d'énergie primaire (production et redevance sur le gaz algérien transporté par pipelines via la Tunisie) ont atteint, à fin mars 2014, 1,5 million tommes équivalents pétrole (Tep), soit une baisse de 14%, par rapport à la même période de 2013 et de 28% en comparaison avec le 1er trimestre 2010.

Ce fléchissement est expliqué par la régression de la production de pétrole de 11%, la baisse de la redevance sur le gaz algérien de 58% (-71% par rapport au 1er trimestre 2010) et la diminution de la production de gaz naturel de 2% (-13% par rapport à 2010).

Le directeur général de l’énergie explique cette situation par la réduction naturelle de la production des plus importants champs pétroliers et gaziers (Adam, Cherouk, Ouedzar, Didon au sud) et l'absence de nouvelles découvertes importantes dans ce domaine. De même, le puits Laariche à Tataouine a été fermé depuis le 21 mars 2014, en raison d'une panne au niveau de pompage. Idem pour le puits Cercina à Sfax, le 13 février, à la suite d'une panne dans le générateur diesel. La production du puits El-Baraka, a été interrompue, quant à elle, durant 3 jours en février 2014, en raison des conditions climatiques.

En outre, la production a été réduite au niveau de plusieurs champs en raison de problèmes techniques, à l'instar des champs d'Astrubal et d'Ashtart.

Hausse de la demande énergétique

En revanche, la demande sur l'énergie primaire a augmenté pour atteindre 2,2 millions de Tep durant le 1er trimestre de 2014, soit une hausse de 4% par rapport à la même période de 2013 et de 12% par rapport à 2010. Cette hausse est due à l'accroissement de 6% de la demande sur le gaz naturel.

La production du gaz naturel a atteint 1.215 Tep, soit une baisse de 18%, en comparaison avec celle du 1er trimestre de 2010.

La hausse de la demande sur le gaz est due à la poursuite des actions du raccordement des régions au réseau du gaz naturel, pour assurer, en particulier, la consommation industrielle, domestique et des services. Elle s’explique également par la production de l'électricité dépendant de manière quasi-totale du gaz, la quantité d’électricité produite à partir des énergies renouvelables étant encore insignifiante.

Aggravation du déficit de la balance énergétique

La baisse des ressources et l'accroissement de la consommation ont provoqué une aggravation du déficit énergétique, lequel a atteint 0,7 million Tep contre 0,4 million Tep durant le 1er trimestre de 2013. Le bilan d'énergie primaire fait ressortir une baisse du niveau d'indépendance énergétique, qui représente le ratio de la production nationale primaire rapporté à la consommation primaire. Ce taux s'est situé à 68% à fin mars 2014 contre 82% à fin mars 2013.

Selon les prévisions, le déficit de la balance énergétique pourrait atteindre 3 millions Tep en raison de la baisse des ressources de 5% et de l'accroissement de la demande de 2%.

Pour limiter ce déficit, M. Bouzouada estime qu'il est nécessaire de déployer davantage d'efforts pour rationaliser la consommation, à travers des campagnes de sensibilisation.

Aggravation du déficit commercial

Le déficit de la balance énergétique a provoqué une évolution des importations tunisiennes en produits pétroliers, qui ont progressé de 15% (y compris la redevance considérée comme importation à valeur nulle) alors que les exportations ont augmenté de 6%.

En valeur, les exportations et les importations des produits énergétiques se sont accrues respectivement de 6% et de 25% d'où une aggravation du déficit commercial.

Il convient de noter que les importations de pétrole brut ont augmenté de 33% en raison du report d'une cargaison de 60 kt (kilo-tonnes), initialement programmée en décembre 2013, à janvier 2014, et ce suite à l'incident au bac de stockage à la Société tunisienne des industrie du raffinage (Stir).

Au total, 55 sociétés pétrolières sont actives en Tunisie, dont 41 étrangères, 5 tunisiennes et 9 mixtes. Elles opèrent dans les activités de prospection, de recherche et d'exploitation des hydrocarbures.

I. B. (avec Tap).

{flike}