Paradoxalement, la loi de finances 2012, censée impulser l’investissement créateur d’emploi dans les régions, ne contient pas de dispositions réellement pertinentes en ce sens.


C’est, en tout cas, ce que soutient Fayçal Derbel, un expert comptable spécialisé dans l’analyse des incidences des dispositions fiscales sur le développement économique.

«En dépit des avantages fiscaux, mis en place dès 1993, en faveur des investisseurs, pour les encourager à s’implanter dans les régions intérieures, on remarque que les disparités régionales persistent encore», constate M. Derbel, dans un entretien à l’agence Tap. «L'outil fiscal n’a pas permis, jusqu’ici, d’accomplir les objectifs escomptés, notamment en termes de développement et d’équilibre régional», souligne-t-il, tout en rappelant que le taux de chômage, estimé à 11 ou 12% dans les gouvernorats côtiers, dépasse les 20% dans les régions de l’intérieur. On sait que ce taux peut atteindre 30 ou même 40% dans certaines régions particulièrement enclavées.

Taxation de la plus-value réalisée en bourse par les étrangers

Analysant, pour la Tap, les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances 2012, l’expert souligne l’institution d’une nouvelle mesure d’imposition de la plus-value réalisée sur les actions cotées en bourse, pour les étrangers, en cas de leur cession en moins d’une année. Le taux d’imposition a été fixé à 10% pour les personnes physiques et à 30% pour les personnes morales.

En 2011, cette taxation était appliquée à la valeur des titres cédés par les non-résidents.

M. Derbel précise, aussi, que le plafond des taxes douanières à l’importation a été maintenu à 30%, inchangé par rapport à 2011, mais la taxation d’un certain nombre de produits, en l’occurrence les pneumatiques, a baissé de 30 à 15%.

De même, les taxes douanières sur les semences et les plants ont été suspendues afin de réduire le coût des intrants destinés au secteur agricole.

La loi des Finances 2012 stipule, également, «l’octroi d’une avance du remboursement du crédit d’impôt de 35% pour les entreprises disposant d’un commissaire aux comptes, et de 15% pour les autres sociétés». Pour M. Derbel, il s’agit là «d'une belle mesure pour améliorer la liquidité de l’entreprise».

Pour ce qui est du transport public des personnes, «le texte de loi prévoit l’unification du régime fiscal par l’abaissement de la Tva de 18 à 12 % pour les taxis, les louages et les véhicules de transport rural, en plus de la suppression totale des droits de consommation».

Sur un autre plan, «la loi de finances exempte les établissements de crédit de l’imposition sur les intérêts courus et non encaissés». «Si le client est classé, la banque ne paie pas d’impôts sur les intérêts facturés à ce dernier et non remboursés, comme c'est le cas pour certaines grandes surfaces et plusieurs hôtels», précise M. Derbel. La loi de finances mentionne, par ailleurs, que «la banque peut constituer des réserves, exonérées d’impôts, se montant à 1% de ses engagements, pour faire face à ces impayés».

Le texte de loi prévoit, encore, la suspension des délais pour les opérations de contrôle fiscal n’ayant pu être réalisées pour les entreprises en raison de la situation sécuritaire, ainsi que la suppression de l’exonération de la plus-value lors de la cession de titres, pour les sociétés d’investissement à capital fixe (Sicaf).

Prorogation de l’amnistie fiscale

Une importante disposition fiscale concerne la prorogation de l’amnistie fiscale pour le rééchelonnement des paiements des impôts, des déclarations rectificatives, des dépôts de déclarations, spontanés et des pénalités de retard, et ce du 31 décembre 2011 au 30 juin 2012.

La loi de finances a consacré tout un chapitre à la finance islamique, sans pour autant donner une définition précise des produits financiers mentionnés : «mourabaha», «istisnaa», «salam» et «ijara».

M. Derbel explique qu’en matière de finance islamique, chaque flux financier doit avoir une contrepartie physique. En vertu d’un contrat de «mourabaha», la banque achète un bien pour le compte de son client et le lui revend au comptant ou à crédit, moyennant une marge bénéficiaire convenue entre les deux parties. Le client en question remboursera, ensuite, par tranches, son crédit.

L’«istisnaa» se rapporte aux produits nécessitant une certaine période de fabrication (maison, bâtiment industriel...), toujours selon le même principe mentionné, alors que le «salam» concerne le financement de stocks. Les marges bénéficiaires résultant de ces trois produits financiers, sont soumises au même régime fiscal appliqué aux taux d’intérêt pour les emprunts bancaires classiques.

La Tunisie compte, actuellement, trois banques islamiques : Zitouna, Nour et El Baraka.

La loi de finances prévoit, aussi, l’application du système fiscal régissant les activités de leasing, à toutes les opérations d’«ijara» qui sont de la même nature. Cette loi dont le contenu est très succinct et qui a été adoptée hâtivement, en moins de 24 heures, a annulé «une bonne dizaine de mesures inclues dans le projet proposé par le gouvernement de Béji Caid Essebsi».

C’est ainsi, qu’ont été supprimées les mesures de reconduction d’incitations fiscales relatives à l’hébergement des étudiants (octroi du terrain au dinar symbolique), à la réalisation de centres d’animation pour les jeunes et les enfants et même pour les pépinières d’entreprises.

Source : Tap.