Alors que certaines voix s’élèvent pour appeler à la suspension du payement de la dette tunisienne, d’autres soulignent la nécessité de recourir à la dette pour relancer l’économie du pays.
Débat d’experts ? Pas vraiment, car l’enjeu de ce débat est vital pour tous les Tunisiens, et notamment pour les quelques 700.000 chômeurs que compte le pays, pour les régions défavorisées auxquelles on a promis plus d’investissement et de programmes de développement et pour les classes moyennes et pauvres qui espèrent, faute de mieux, la préservation de leur pouvoir d’achat.
Face à tant d’enjeux, le recours à l’endettement apparaît comme une solution incontournable pour la Tunisie, compte tenu de l’ampleur des défis socio-économiques que le pays a à relever au cours de la prochaine période.
Insuffisance des ressources propres
Cette conclusion a été étayée par plusieurs experts et économistes réunis, jeudi, à Tunis, lors d’une rencontre débat organisée, par l’Association des tunisiens des grandes écoles (Atuge) sur le thème : «Quelle stratégie d’endettement pour la croissance et le rôle des agences de notation».
Pour Radhi Meddeb, Pdg de Comete engineering, «l’endettement est inéluctable pour la Tunisie», car ses ressources propres sont insuffisantes, son déficit budgétaire s’élève à 40% et elle aura à faire face, à l’avenir, à des besoins de financement énormes, ajoutés aux contraintes sociales de plus en plus grandissantes.
Ces besoins concernent, selon l’expert, la création d’emplois (1 emploi équivaut à 50.000 dinars d’investissement), la réalisation de projets d’infrastructure d’un coût évalué à 20 milliards de dinars au cours des 5 prochaines années, le financement du déficit budgétaire, soit 15 milliards de dinars pour la même période et le refinancement de la dette pour 14 milliards de dinars au cours du prochain quinquennat, d’après les estimations du même expert.
«La dette, solution préconisée par certains et contestée par d’autres, n’est ni bonne ni mauvaise, tout dépend de ce qu’on en fait», a souligné M. Meddeb. Aussi le gouvernement est-il appelé à évaluer les projets d’investissement et à sélectionner ceux qui sont productifs et dont la rentabilité économique est élevée, afin d’assurer un retour sur investissement dans les délais, et partant d’honorer, dans les délais convenus, ses engagements financiers vis-à-vis de l’extérieur.
Eviter la dégradation de la note souveraine
Evoquant l’évaluation que font les agences de notation de la situation en Tunisie, Ikbel Bedoui, directeur général de Fitch Maghreb Rating, a indiqué, de son côté, que la Tunisie, dont la note souveraine a été dégradée à deux reprises depuis la révolution pour atteindre (BBB-), en raison de l’instabilité politique qui prévalait au cours de cette période, risque de voir sa notation baisser davantage.
Cette éventualité est envisageable au cas où la stratégie de développement qui sera mise en place par le gouvernement actuel ne tient pas compte des priorités sociales et économiques du pays, a-t-il expliqué. Parmi ces priorités, M. Bédoui a évoqué la création d’emplois, l’éradication des disparités régionales et le maintien du pouvoir d’achat du Tunisien.
Toutefois, le niveau d’endettement actuel de la Tunisie converge vers la moyenne de la dette enregistrée par les pays dont la notation est BBB, a précisé l’expert, mettant en garde contre un risque de dégradation de la note de la Tunisie en cas de dépassement de cette moyenne.
M. Bedoui a ainsi recommandé de rééquilibrer le portefeuille de la dette en vue de consolider la part de la dette intérieure, estimée vers fin 2011, à 40% des ressources de l’Etat.
Imed Bahri (avec Tap)