La Cnrps et la Cnss traversent, depuis plusieurs années, une situation financière difficile. Selon les experts, cette situation risque de s’aggraver au cours des prochaines années.


Dans une étude réalisée depuis 2005, l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a sonné l’alarme, affirmant que, si rien n’était fait entre-temps pour résoudre leurs difficultés financières, la Caisse nationale de retraite et de prévention sociale (Cnrps) et la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) risquent de dépenser la totalité des cotisations des travailleurs aux alentours des années 2014 ou 2015.

Le «trou» des deux caisses se creuse

Selon des données statistiques publiées en 2009 par le département de la couverture sociale, de la santé et de la sécurité professionnelle au sein de la centrale syndicale, la situation financière de la Cnrps s’est beaucoup détériorée entre 2003 et 2009.

Ces statistiques montrent que ladite caisse est passée d’un solde positif de plus de 10 millions de dinars (MD) à un solde négatif de 23MD, et cela malgré les hausses successives des cotisations au titre du système générale de la retraite. Les recettes de la Cnss ont atteint, quant à elles, en 2007 plus de 1.216MD, alors que les dépenses ont dépassé, au cours de la même année, 1.287MD, soit un résultat négatif de 70MD.

Fathi Ayari, coordinateur du département de la couverture sociale, de la santé et de la sécurité professionnelle au sein de l’Ugtt, a affirmé, à ce propos, que le déficit enregistré par la Cnss est le résultat des déséquilibres financiers du système des pensions des salariés non agricoles, qui représente 70% des adhérents de cette caisse. Ce système a enregistré un déficit qui a dépassé 220MD en 2007.

Ce déficit, qui s’est encore creusé depuis, est très grave à court et moyen termes, et peut constituer une menace directe pour la pérennité du système des pensions des salariés non agricoles et de l’ensemble des systèmes gérés par la Cnss.

Pour rétablir les équilibres des systèmes

La solution de ce problème exige une grande dose de courage, de responsabilité et de volonté politique, estime M. Ayari. Car il s’agit de faire le diagnostic de la situation, d’identifier les failles avec précision et objectivité et de proposer des solutions à court et moyen termes, en vue de rétablir les équilibres des systèmes des salariés et leur pérennité, au moins jusqu’à l’horizon 2030.

Parmi les causes ayant conduit à la détérioration de la situation financière de la Cnrps et de la Cnss, les experts insistent sur les impacts négatifs des choix économiques libéraux de l’Etat, qui ont réduit les capacités de l’économie nationale à créer des emplois nouveaux et stables.

Les experts de l’Ugtt mettent aussi en cause la hausse des taux de chômage et l’apparition de nouvelles formes d’emploi précaire fondées sur la sous-traitance, les contrats à durée déterminée, et le recours des entreprises, notamment dans le secteur privé, à l’emploi des retraités afin de ne pas payer de cotisations sociales.

La situation financière difficile des caisses de sécurité sociale revient aussi à la cession et à la privation des entreprises publiques, qui se sont traduites par le licenciement d’un grand nombre de travailleurs ou leur sortie en retraite anticipée, ainsi que la hausse de l’espérance de vie et l’élargissement du parapluie de la sécurité sociale au cours des dernières années pour couvrir les catégories sociales et professionnelles à faible pouvoir de provisionnement.

Parmi les autres causes du déficit des caisses, les experts soulignent également leur utilisation en dehors de leur mission fondamentale, que ce soit au bénéfice des adhérents ou des non adhérents parmi les catégories sociales aux besoins particuliers, ce qui contribue à la solidarité sociale et grève la sécurité sociale.

Rompre avec les modèles d’emplois précaires

Comment aider les caisses à dépasser leurs difficultés actuelles et à rééquilibrer leurs finances ? L’Ugtt propose, à cet effet, l’analyse de la réalité et des perspectives de l’emploi dans le pays et la rupture avec les modèles d’emplois inappropriés et précaires qui nuisent aux ressources des deux caisses.

«A chaque fois que l’emploi se développe, les recettes des caisses augmentent, d’autant que les cotisations des salariés et des employeurs sont obligatoires et non facultatives», estime M. Ayari, soulignant la nécessité de faire face au phénomène de l’emploi précaire, qui affecte gravement les recettes des caisses sociales et leurs équilibres.

Le responsable syndical appelle, par ailleurs, à diversifier les sources de financement des deux caisses à travers le système d’imposition fiscale directe et indirecte, afin de préserver le pouvoir d’achat des salariés et les emplois. Il appelle, également, à ne pas encombrer les caisses avec des contributions élevées aggravant et accumulant leurs dettes et les privant de la liquidité financière nécessaire pour faire face aux dépenses urgentes.

L’élévation de l’âge de la retraite, solution mise en route dans plusieurs pays développés pour faire face aux difficultés de financement des retraites, ne peut constituer la panacée en Tunisie, estime M. Ayari, en raison du nombre important de chômeurs dans le pays, estimé à 800.000.

Il est à noter que 80% des Tunisiens bénéficient de la sécurité sociale de manières directe et indirecte. Le système assure plusieurs services, allant de l’assurance maladie, à l’incapacité, en passant par la vieillesse, les accidents du travail et les maladies professionnelles, sans parler des avantages sociaux et des prêts de toutes sortes.

Le système joue également un rôle important dans la dynamisation de la vie économique dans le pays à travers l’investissement de ses excédents dans le marché monétaire. L’Etat profite lui aussi de ces excédents à travers l’acquisition, par les caisses, de bons de trésors.

Source : Tap (traduit de l’arabe par Imed Bahri)