Tunisiens Montréal Chokri Belaïd

À Montréal, mercredi soir, une centaine de Tunisiens se sont rassemblés devant le consulat de Tunisie pour une vigie, organisée par le Collectif tunisien au Canada, à la mémoire du leader politique assassiné.

Par Sarra Guerchani, correspondante à Montréal

Inquiétude, tristesse et colère étaient palpables sur le visage, et, criées à gorges déployées par la diaspora tunisienne de Montréal. «Nous sommes tous des Chokri Belaid aujourd'hui. Nous voulons une Tunisie démocratique, et libre de penser et de s'exprimer», s'indigne Nour Ben Ayed. «Je suis ici, ce soir, comme tous ces Tunisiens, pour montrer que je suis de tout cœur avec mon peuple malgré la distance qui nous sépare. Ce qui s'est passé est vraiment scandaleux. Même sous Ben Ali, on n'a pas vécu une chose pareille», souligne-t-elle en parlant de l'assassinat du leader du Parti des démocrates patriotes (Watad) et du Front populaire. «Ce n'est pas après avoir fait une révolution qu'on va commencer à vivre ainsi en Tunisie. Il est temps de se réveiller, de bouger, peu importe où l'on se trouve dans le monde. On ne peut pas accepter cette situation. Ce gouvernement n'a rien fait de bien pour les Tunisiens. Il est temps de passer à autre chose», s'écrit-elle.


Rassembler les Tunisiens à nouveau

Des photos, des pancartes à la mémoire de Chokri Belaid et des drapeaux tunisiens étaient agités pendant ces instants de recueillement. Les manifestants, tenant des bougies dans leurs mains, ont observé une minute de silence à la mémoire du leader politique assassiné. Puis ils ont échangé beaucoup de questions sur ce crime politique...

Walid Frej, était un confrère de Chokri Belaid, lorsqu'il travaillait en Tunisie. Même si les deux hommes ne partageaient pas les même avis sur la politique, ce Tunisien, aujourd'hui établi à Montréal, se dit choqué par ce meurtre. «Nous n'avons jamais vécu ce genre de situation dans notre pays», s'indigne-t-il. Puis poursuit: «Je l'ai connu lorsque j'étais avocat en Tunisie. Nous n'avions pas les même avis ou ne partagions pas les même idées, puisque je ne suis pas partisan du Watad, et d'ailleurs je n'ai aucune appartenance à un parti politique. Je suis ici aujourd'hui attristé par l'assassinat d'un confrère et d'un militant qui défendait ouvertement ses idées, et pour le Tunisien qu'il était».


Walid espère, toute fois, que la mort de Chokri Belaïd fera en sorte de rassembler les Tunisiens à nouveau et de leur redonner un élan de solidarité.

Soutien des organisations canadiennes

Le Collectif tunisiens au Canada a, pour sa part, condamné avec la plus grande fermeté la violence politique en Tunisie, et a présenté ses condoléance à la famille de la victime, dans un communiqué paru dans la journée de mercredi. Dans ce document, le CTC a également «condamné le gouvernement actuel de ne montrer aucune volonté sérieuse de combattre la corruption et les criminels et ne se montre pas décidé à tenir compte des aspirations révolutionnaires du peuple tunisien».

Des organisations politiques et de défense des droits de l'homme canadiennes et québécoises ont montré leur soutien au peuple tunisien et ont fortement condamné ce crime, durant la vigie.

«Québec Solidaire dénonce l'assassinat politique de Chokri Belaïd et exprime sa solidarité avec la peuple tunisien dans la quête de son indépendance et de la démocratie. Nous demandons aux autorités tunisiennes de tout faire pour trouver les coupables et qu'ils soient jugés pour leurs actes», a déclaré le porte-parole de ce parti politique.

De son côté la directrice d'Amnesty international Canada, Béatrice Vaugrante, a fortement critiqué le gouvernement en place en déclarant : «Dans aucun pays du monde les voix dissidentes ne doivent être assassinées. Il faut que l'État protège les voix dissidentes et les laisse parler. Le gouvernement ne peut pas simplement s'amender en disant qu'il regrette et qu'il condamne ce meurtre». Mme Vuagrante a ajouté que son organisme continue de travailler avec le peuple tunisien sur les réformes de la justice et de sécurité. «Il faut qu'elles soient indépendantes. Cela demande du temps. Ça ne se bâtit pas en quelques mois», a-t-elle tenu à préciser.

Au même moment, mercredi soit, deux autres vigies étaient organisées à Ottawa et à Québec.