Le Rcd est un parti étroitement lié à la notion d’Etat. Il n’a jamais eu d’idéologie à laquelle les adhérents peuvent croire. L’appartenance au parti du pouvoir est devenue en Tunisie une nécessité pour s’assurer un emploi stable et c’est tout à fait légitime. N’est ce pas le rêve de chacun d’aspirer à une situation de confort. Ce qui explique le chiffre – astronomique – de 2.5 millions d’adhérents dont se prévalait hier encore ce parti. La majorité de ces adhérents cotisent pour ne pas être traités d’opposants au régime: ils le font à contrecœur et pour éviter les ennuis.
Par-delà les appartenances partisanes
Ceux qui ont refusé la notion de parti-Etat ne représentent qu’une petite minorité au sein de ce parti. Ils ne peuvent en aucun cas constituer aujourd’hui l’ossature du gouvernement. Le nombre des adhérents des partis de l’opposition ne dépasse guère les 5.000 ou 10.000. Ce qui revient à dire qu’écarter les membres du Rcd du gouvernement revient à dire que la majorité des Tunisiens seront exclus du nouveau gouvernement.
Nous ne devons pas oublier que ceux qui ont réussi à déloger Ben Ali sont des Tunisiens de toutes les tendances confondues. Même les membres du Rcd étaient excédés par les dépassements de l’ancien président. Le meilleur exemple nous vient de ce brave chef d’état-major de l’armée de terre qui a osé dire à Ben Ali, face-à-face, alors que le pays était en ébullition: «Tu es fini dégage !». J’ai parlé du général Rachid Ammar, qui n’aurait pas pu accéder au poste de chef d’Etat major si le Rcd lui avait barré la route. C’est en citoyen, moins qu’en membre d’un parti quelconque qu’il a finalement réagi. Les Tunisiens ont eu la chance de l’avoir au poste qui est le sien le jour où le pays avait besoin d’un patriote comme lui.
Ne brouillons pas l’avenir
La Tunisie a aujourd’hui besoin de tous ses hommes, de toutes les têtes pensantes et de toutes les contributions. C’est le peuple tunisien dans son ensemble qui a réussi à libérer le pays de la dictature. C’est ce même peuple, dans toutes ses composantes et tendances politiques, qui entame l’étape la plus dure: celle de la reconstruction du pays. Cette étape exige de nous détermination et bonne volonté pour balayer tous les obstacles. Ce n’est ni le moment ni le temps de procéder à des exclusions ou à des éliminations. Œuvrons donc en toute sérénité pour la réunification de la Tunisie et oublions, autant que faire se peut, nos états d’âme pour ne pas tomber et évitons de tomber dans le piège qui consiste à trop regarder le passé au risque de brouiller l’avenir et de provoquer le chaos qui mène aux guerres civiles.