La Banque africaine de développement (Bad) a exprimé sa volonté de rester en Tunisie, de soutenir le gouvernement intérimaire afin de permettre une transition en douceur et la stabilité à long terme du pays.
C’est ce qu’a affirmé Donald Kaberuka, le président de la banque panafricaine, au cours d’une conférence de presse, hier après-midi, après sa rencontre avec le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi.
M. Kaberuka a affirmé sa volonté de renforcer le partenariat historique de la Bad avec la Tunisie dans cette période de pression économique et sociale, exprimant la disponibilité de la Banque «à soutenir les efforts du gouvernement de transition en ce moment critique de l’histoire de la Tunisie.» La Banque, flexible, est prête à adapter son action aux besoins de la Tunisie nouvelle, a-t-il souligné.
M. Kaberuka a rappelé que, dès la mise en place du nouveau gouvernement de transition, la Bad avait pris contact avec les autorités tunisiennes pour exprimer sa disponibilité à déployer ses ressources économiques, humaines et techniques pour soutenir la Tunisie.
Un million de Tunisiens vit dans la pauvreté
La Tunisie demeure un partenaire clé, le 2e client de la Banque avec un montant total d’opérations d’environ 10 milliards de dinars depuis 1968. «Nous avons des engagements variés dans ce pays, en ce moment pour un montant total de 1,4 milliard de dollars, dont environ 80% ont déjà été décaissés. Ce montant inclut un engagement de près de 250 millions de dollars en faveur du secteur privé», a déclaré M. Kaberuka.
Selon lui, les défis de longue date de la Tunisie, comme le chômage, dont le taux se situe actuellement entre 13 et15%. La croissance économique du pays n’a pas été encore en mesure que de créer 65.000 emplois par an, ce qui n’est pas suffisant. En outre, un tiers de la population vit dans les zones rurales, tandis qu’environ un million de Tunisiens vit dans la pauvreté.
«L’économie tunisienne est lourdement tributaire du secteur des services, qui représente 40% du Pib et 50% des emplois du secteur formel», a aussi indiqué M. Kaberuka. Il a ajouté: «Les recettes touristiques représentent 5% du Pib et 15% des recettes globales en devises. Ce secteur a subi les contrecoups des troubles sociaux et aura sans doute besoin de temps pour retrouver son rythme.»
5 à 8 milliards de dollars de pertes
Les autorités tunisiennes estiment que durant les récents événements, 5 à 8 milliards de dollars ont été perdus, les recettes touristiques ont été gravement affectées, des investissements essentiels gelés et des milliers d’emplois perdus.
Les prévisions de la Banque sont encore plus mitigées: la Tunisie connaîtra une situation budgétaire tendue à court terme, et probablement pour le reste de l’année 2011, du fait de la contraction de l’activité économique, de la baisse des recettes fiscales et de la recrudescence des revendications sociales, du coût de réfection des infrastructures, de la compensation des dommages, de la lutte contre le chômage et probablement de la hausse des subventions des biens de première nécessité, qui , à 4% du Pib étaient déjà assez substantielles.
Selon les prévisions de la Banque, «le pays connaîtra une contraction de l’activité économique ou au mieux une légère croissance, entre 1,6% et 2%.»
Le président de la Bad a cependant exprimé sa confiance dans la reprise de l’économie du pays. «Nous sommes persuadés que le pays pourra s’en sortir, avec l’appui de ses partenaires», a affirmé M. Kaberuka. Et pour cause: «La Tunisie a des réserves de change brutes officielles de 9 milliards de dollars (fin 2010), représentant 5 mois d’importations, une dette extérieure représentant 46 % du Pib (21 milliards de dollars, avec un service de la dette de l’ordre de 10% des exportations). En outre, la Tunisie jouit de la confiance des marchés et des institutions financières internationales.»
Appui budgétaire direct à décaissement rapide
Pour sa part, la Banque envisage d’appuyer la Tunisie dans les domaines suivants: l’emploi et surtout l’emploi des jeunes, le soutien aux populations les plus pauvres dans les régions les plus défavorisées du pays, notamment par les projets d’infrastructure d’envergure actuels et à venir.
Le président de la Bad a insisté sur l’aide possible de Banque pour récupérer les biens et avoir spoliés par l’ancien régime. Il a aussi parlé du renforcement de la gouvernance au niveau institutionnel indispensable pour mener le pays vers la démocratie qui pourrait se concrétiser par exemple par la création d’une justice indépendante.
Les soutiens de la Banque à la Tunisie d’aujourd’hui pourraient prendre la forme d’appui budgétaire direct à décaissement rapide, de prêts, ou de garanties et d’assistance technique.
Le montant de l’aide de la Bad dépend des priorités et des demandes du gouvernement provisoire. «On peut aller à 500 millions voire à 1 milliard de dollars», précisera M. Kaberuka.
La Bad, on le sait, a son siège de relocalisation temporaire à Tunis depuis 2003 et plus de 1.600 employés y travaillent. Evoquant le vécu du personnel de la Banque durant les derniers événements, M. Kaberuka a dit qu’il comprend le contexte et l’importance des événements qui se sont déroulés dans le pays et a parfaitement conscience qu’il faudra du temps pour que le pays revienne pleinement à la normale. Il a cependant souligné que «la confiance totale de la Banque dans la Tunisie reste intacte.»
Tunis reste un lieu de travail adéquat.
«Point n’est besoin de dire que le moral des membres du personnel, en particulier ceux d’entre eux qui avaient vécu ainsi que les familles, des événements analogues à Abidjan, a été affecté, surtout au plus fort de la crise.
Des dispositions ont été prises pour atténuer ce choc, mais, globalement, le Conseil d’administration, la direction et le personnel de la Banque sont restés inébranlables durant ces événements», a ajouté le président de la Banque. Et de conclure: «Pour le moment, et jusqu’à ce que la situation se normalise à Abidjan, Tunis reste notre site de relocalisation temporaire et un lieu de travail adéquat.» D’autant que, «tout au long des événements, la Banque est restée opérationnelle à Tunis, n’effectuant des ajustements que pour s’adapter aux exigences du couvre-feu.» Par ailleurs, les perturbations des opérations de la Banque «ont été minimes et parfaitement gérables».
R. K.