
Qui veut empêcher l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, de préparer l’élection de l’Assemblée constituante? Et pour quels desseins?
Ces questions sont d’autant plus légitimes que la réunion de ladite Instance, mardi, s’est déroulée dans une ambiance électrique. Un nouveau raté qui porte une ombre sur la jeune démocratie tunisienne. Commentaire de l’un des membres de l’Instance, visiblement dégoûté: «Les querelles de clocher reprennent désormais le dessus, chacun voulant pousser ses pions».
Qui représente qui?
Ceux qui cherchent à empêcher l’équipe dirigée par le professeur Iyadh Ben Achour de faire son travail prétendent que sa composition est «incompatible avec les objectifs de la révolution et les aspirations du peuple tunisien». D’autres vont jusqu’à affirmer que cette commission de 70 personnes serait «noyautée» par le pouvoir de transition mis en place après la chute de Ben Ali le 14 janvier. Ce qui est pour le moins contestable. Des slogans à la limite de l’insulte ont même été proférés à l’adresse des membres de l’Instance, par des personnes qui voulaient entraver le déroulement de ses travaux. Il a donc fallu l’intervention des forces de la sécurité nationale afin de protéger la tenue de la réunion. Celle-ci, la deuxième depuis sa recomposition et son élargissement à la demande des contestataires, s’est finalement tenue à huis-clos, en l’absence des journalistes. Comme on devait s’y attendre, les confrères n’ont pas apprécié.
Les protestataires estiment que l’Instance ne représente pas les jeunes de la révolution et ne répond pas, dans son actuelle composition, au devoir de fidélité aux sacrifices consentis par les martyrs et que le choix de ses membres est venu consacrer, en quelque sorte, les pratiques de l’ancien régime (pas moins !). Ils considèrent aussi le Conseil national de la protection de la révolution comme étant le représentant légitime de la révolution du 14 janvier.
Le jeu des légitimités autoproclamées
Toute cette agitation aurait du sens si ce fameux Conseil autoproclamé avait la légitimité dont il se prévaut et si Iyadh Ben Achour et son équipe pouvaient être sujets à contestation.
Le problème de l’Instance réside aussi dans le fait que certains de ses membres, pour de mystérieuses raisons, œuvrent, de l’intérieur, pour la dynamiter.
Tout ceci est d’autant plus inquiétant que certains activistes politiques donnent l’impression d’être déjà en campagne électorale, alors que le Code électoral devant régir l’élection de l’Assemblée constituante, le 24 juillet, n’est même pas encore prêt et ne saurait l’être si l’Instance allait continuer à être empêchée de faire son travail.
D’où le paradoxe actuel de la transition démocratique tunisienne: certaines des forces politiques qui ont le plus intérêt à la faire réussir se comportent d’une manière qui risque plutôt de la faire capoter. Ce qui donne à réfléchir et suscite des interrogations quant aux motivations des uns et des autres et à leurs mystérieux calculs. Sachant que seuls des Rcdistes, les dirigeants de l’ex-parti au pouvoir, pourraient finalement tirer bénéfice du désordre actuel qui risque de ralentir le processus de transition et d’empêcher le changement.
R. K.