Mustapha Kamel Ennabli brosse un tableau mitigé des performances de l’économie tunisienne au cours des 20 dernières années. Le revers de la «success story» longtemps louée par les partisans de Ben Ali.
Dans son intervention, jeudi à Tunis, au colloque international sur «le système financier tunisien : un nouveau mode de gouvernance au service de la performance économique», le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct) a commencé par tirer les enseignements de l’ancien mode de gouvernance économique. Le tableau qu’il a brossé contraste fortement avec les idées reçues sur la bonne gouvernance économique de l’ère Ben Ali. Extraits de l’intervention de M. Nabli :
«Avant la révolution, les perspectives de la croissance de l’économie tunisienne étaient bloquées par une mauvaise gouvernance, une structure productive héritée des années soixante dix devenue inadaptée, un secteur financier peu développé et un développement inégal entre les régions. Ces blocages n’ont pu que dupliquer les taux de croissance des tendances passées (environ 4.5% en moyenne) et qui sont insuffisants pour absorber l’ensemble des nouveaux demandeurs d’emploi et pour réduire le chômage surtout des diplômés de l’enseignement supérieur.
«En fait, la performance de la Tunisie était en-deçà de son potentiel. De nombreux pays (tels que la Malaisie et la Turquie), qui partagent les mêmes caractéristiques en termes de développement humain, de stabilité macroéconomique et autres fondamentaux, ont enregistré de meilleures performances. Ils ont accéléré la cadence des réformes structurelles et ont mis en place un système économique performant et compétitif.
«La Tunisie a été confrontée à une mauvaise gouvernance qui s’est manifestée par l’interférence du politique à tous les niveaux, la violation systématique des règles de droit, l’arbitraire de l’administration, la non transparence, la corruption à petite et à grande échelle, la non responsabilisation avec l’absence d’obligation de rendre des comptes au public et l’absence de visibilité étouffant l’investissement local et étranger et empêchant les entreprises à utiliser pleinement leurs capacités productives (gaspillage des ressources).
«Ce dysfonctionnement n’a pas mis à l’abri le secteur bancaire qui a été lui même secoué à plein fouet. La confusion entre le rôle de régulation et de gestion au niveau de la Bct et des banques, le manque de transparence, la faiblesse des mécanismes de responsabilisation au niveau des banques et l’intervention de la sphère politique dans l’octroi des crédits et la gestion des banques (nomination, avancement dans les grades, etc.) ont conduit à la fragilité et à la vulnérabilité du secteur bancaire (le taux de créance douteuse a même atteint 20% du total des crédits) et à la faible contribution de la bourse au financement de l’activité.
«En effet, l’entreprise tunisienne s’est repliée sur elle-même en évitant toute ouverture sur le marché financier dans le but d’échapper à l’affairisme, le clientélisme et le chantage.
«Ceci est d’autant plus grave que le constat qui a été fait au début de l’année 2011 sur l’état de la gouvernance des banques a révélé :
• une confusion dans le rôle des organes de décision et de contrôle ;
• un manque de compétence ;
• une gestion plutôt personnifiée que collective ;
• un manque de procédures formalisées ;
• des normes réglementaires non respectées.»
Le colloque est organisé par l’Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers (Aptbef) et l’Académie des Banques et Finances (Abf), en partenariat avec la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (Bvmt) et la Banque centrale de Tunisie (Bct).