Tout en étant «un partenaire au développement» de l’Afrique, comme le souligne le titre d’une étude du programme de recherche Chine-Afrique lancé récemment par la Banque africaine de développement (BAD), la Chine est aussi, dans certains secteurs, comme le textile, un redoutable concurrent pour les pays africains, notamment la Tunisie. Explications…

«L’engagement accru de la Chine en Afrique au lendemain de la crise financière» : tel est le thème du séminaire de réflexion organisé par la BAD, depuis hier, dans ses locaux à Tunis. Ce séminaire constitue un cadre de réflexion et d’échanges de points de vue sur les principaux enjeux liés aux relations Chine-Afrique, en particulier les enjeux de l’heure tels que l’impact sur l’architecture de l’aide internationale, l’investissement, l’intégration africaine, les relations de travail, l’agriculture, les télécommunications, l’infrastructure, l’industrie manufacturière, etc.

Certains des papiers présentés seront sélectionnés pour une édition spéciale Chine-Afrique de la ‘‘Revue africaine de développement’’ coordonnée par  Ibrahim El Badawi, directeur du département de la recherche macroéconomique au Conseil économique de Dubaï. L’initiative fait partie d’un vaste programme de recherche Chine-Afrique lancé par la BAD et appuyé financièrement par le ministère britannique du développement international (Department for International Development, DFID).
Ce programme prévoit une étude intitulée «la Chine comme un partenaire au développement complémentaire» de l’Afrique. Il convient cependant de nuancer cette approche très positive des relations entre la Chine et l’Afrique, car, tout en étant «un partenaire au développement» du Continent noir, l’Empire du milieu est aussi, dans certains secteurs, comme le textile, un redoutable concurrent.

La Chine dispose, en effet, dans ce secteur, d’un avantage de coût salarial qui lui amène la clientèle de l’Afrique et du Maghreb, laquelle se détourne de fait des tissus en provenance de l’Europe du Sud. En parallèle, les ateliers de confection dans le continent se heurtent désormais à la concurrence frontale des métiers à tisser chinois.
Selon des estimations de Werner International datée de 2007, le coût salarial horaire moyen des opérateurs textiles est de 1,02 dollar US en Egypte, 2,01 en Tunisie et 2,62 au Maroc, contre seulement 0,55 dans la Chine intérieure et 0,85 dans la Chine côtière. Au Vietnam, ce coût descend jusqu’à 0,46. En 2002, ces coûts étaient de 1,77 dollar US en Tunisie contre 0,65 en Chine : l’écart s’est donc accru en cinq ans, rognant sur la compétitivité du textile tunisien.
Par ailleurs, les coûts de production complets (dont matière, énergie, financement, logistique surtout...) demeurent au Maghreb deux à trois fois supérieurs à ceux de la Chine. Et pour cause : dans notre région, le schéma est celui d’une industrie de la confection qui ne dispose pas d’amont textile et importe de plus en plus de tissus chinois, tout en continuant de travailler à façon pour les enseignes européennes.
Résultat des courses: «en dépit d’un partenariat Euro-Méditerranée privilégié, le textile et l’habillement africains ne représentent désormais que 1% des importations de produits manufacturés de l’Union Européenne (UE). En parallèle, les filières textile et habillement pèsent en 2008 près de 20% des exportations chinoises vers l’Afrique (9 milliards de dollars)», note Noel Isorni, expert du Crédit agricole (France).

Malek Neili