Dans le but d’assurer leur sécurité d’approvisionnement, des groupes industriels internationaux cherchent à investir dans le phosphate nord-africain. Après les Indiens, les Chinois et les Brésiliens, c’est au tour du Pakistanais Engro de lorgner sur cette ressource.

 


Selon son directeur général de cette dernière entreprise, Asad Umar, cité récemment par le ‘‘Financial Times’’, l’entreprise pakistanaise veut investir 1 milliard de dollars dans l’exploitation du phosphate en Afrique du Nord. «Nous voulons aller investir sur les lieux où se trouve le minerai. Les plus grands gisements de phosphates au monde sont tous en Afrique du Nord. Nous cherchons des partenaires en Tunisie, en Algérie et au Maroc... Nous examinons toutes les possibilités actuellement», a-t-il expliqué.
Cet intérêt grandissant pour le phosphate de Tunisie, d’Algérie et du Maroc  s’explique par le fait que ces pays vont pouvoir bientôt assurer, à eux seuls, plus du tiers de la production mondiale de ce minerai indispensable à la fabrication d’engrais chimiques, et par conséquent au développement de la production agroalimentaire.

Le Maroc et la Tunisie assurent, en effet, à eux seuls, 25% de la production mondiale et en sont respectivement le 1er et 2ème exportateurs au monde. L’Algérie, dont les réserves sont estimées à 2,3 milliards de tonnes (contre 2,7 milliards pour le Maroc et 0,9 milliard pour la Tunisie), s’apprête à relancer, elle aussi, sa politique d’extraction et de valorisation de ce minerai.
Les phosphates vont devenir une denrée de plus en plus recherchée. La croissance démographique mondiale et la nécessité de tirer le meilleur parti des terres arables la rendent stratégique. En l’absence de données vraiment fiables sur les réserves de ce minerai, la question de l’assèchement des gisements mondiaux de phosphates, qui pourrait bousculer les équilibres alimentaires dans quelques décennies, faute d’engrais, fait aujourd’hui débat parmi la communauté scientifique.

Dans un article intitulé ‘‘Des experts redoutent une pénurie de phosphates d’ici à la fin du siècle’’, le quotidien français ‘‘Le Monde’’ (11 janvier) s’interroge: «Les réserves mondiales de phosphates suffiront-elles à satisfaire les besoins d’une agriculture qui en consomme de plus en plus ?» Citant l’Institut de géophysique américain (USGS), dont les données sont le plus souvent utilisées, le quotidien estime les réserves mondiales économiquement exploitables du minerai à environ 15 milliards de tonnes (contre 47 milliards de tonnes de  réserves potentielles). Et le journal d’ajouter : «Ce chiffre conduit certains observateurs à s’inquiéter d’une possible pénurie dans les décennies à venir, puisque, rapportées à la production annuelle mondiale (près de 165 millions de tonnes en 2008, selon l’USGS), les réserves pourraient satisfaire la demande pendant seulement environ quatre-vingt-dix ans. De plus, la consommation mondiale devrait afficher une croissance de 2% à 3% dans les années à venir, selon les estimations de l’Association internationale de l’industrie des engrais (IFA).»

N’est-ce pas là une bonne raison pour ne pas gaspiller les réserves de phosphates de l’Afrique du Nord et, surtout, pour éviter de les brader dans un marché mondial assez volatile où les prix alternent de fortes hausses (2007-2008) puis des chutes brutales (2009), provoquant des baisses des recettes d’exportation de cette ressource dans des pays dont la balance commerciale en est fortement dépendante, comme le Maroc et, à un degré moindre, la Tunisie ?

 

Imed Bahri