Léché, et en phase avec son temps, le premier spot Tv de la Banque Zitouna est plus qu’une simple publicité. Il annonce l’avènement de la génération Zitouna. Ridha Kéfi.
La Banque Zitouna a choisi le mois sacré musulman pour dévoiler (et faire diffuser) son premier spot publicitaire. Cela n’a rien de surprenant. Le premier établissement bancaire privé tunisien pratiquant la finance islamique ne pouvait trouver un meilleur timing. Et pour cause: sa «mascotte», le cheikh Mohamed Machfar, prédicateur de charme et star incontestée de la radio Zitouna FM, appartenant au même groupe (Princesse Holding de Mohamed Sakher El Materi), «sévit» depuis le début de Ramadan sur la chaîne publique Tunis 7, faisant des gorges chaudes sur le web.
Une modernité islamiquement correcte
Diffusé à plusieurs reprises sur les principales chaînes nationales pour une durée totale de 6 minutes et demi au cours du premier jour de Ramadan, ce spot a permis à la Banque Zitouna d’occuper le 3e rang du Top 5 des annonceurs Tv établi par Sigma Conseil, derrière les indéboulonnables opérateurs de télécoms Tunisiana et Orange, mais devant les marques de yaourts, de biscottes, de boissons gazeuses et de pâtes alimentaires. Ce qui est en soi un exploit digne d’admiration.
Mieux: les créatifs qui ont planché sur le spot n’ont pas cherché midi à quatorze heures pour nous concocter des images, plutôt chics que chocs, où la modernité sociale (on est tout de même en Tunisie !) est servie dans un emballage islamiquement correct. Ces chers créatifs sont parvenus à ce résultat en puisant dans trois registres qui sont, pour ainsi dire, dans l’air du temps.
Romantisme turc et look Dubaï
Premier registre: le romantisme façon feuilletons turcs. Dans leur apparence physique comme dans leurs gestes, les personnages semblent en effet tout droit sortis d’un feuilleton à l’eau de rose tourné dans les studios des rives du Bosphore. L’amour y est d’abord marital. Mariage, amour et enfants. L’idée de legs et d’héritage est tout de même suggérée. On est évidemment entre gens biens. La ressemblance du personnage principal du spot avec le chanteur d'odes islamiques Samy Youssef est bien entendu une pure coïncidence
Deuxième registre: la virilité masculine façon riche homme d’affaires du Golfe, suggérée par une sorte de «look Dubaï» très prononcé: chemise blanche immaculée (ce n’est pas la horka, mais ça lui ressemble), barbe de deux jours soigneusement taillée, mais pas de veste ou de cravate, très encombrantes. On est tout de même dans un pays de soleil.
Un islam modéré made in Tunisia
Troisième registre: l’islam modéré made in Tunisia. Les femmes sont là, en parfaites comparses certes, mais elles sont émancipées – du moins le pensent-elles –, belles et coquettes. Leur présence, dans des accoutrements modernes mais décents et respectueux de la tradition, vient accentuer cet aspect famille heureuse et moderne, mais conservatrice et authentique, que la banque cherche à associer à son image. «Bien vu», dirait un spécialiste en communication et marketing.
Dans ce même registre, le slogan commercial qui conclut le sport: «Liyatmaanna Qalbi» (Afin que mon cœur se rassure) est le titre d’un célèbre ouvrage de l’islamologue tunisien Mohamed Talbi, un ‘‘Libre penseur de l’Islam’’, comme l’indique d’ailleurs un autre de ses livres. Il vient rappeler aux téléspectateurs, au cas où cela leur a échappé, que le meilleur moyen de faire fructifier son argent, tout en étant en règle avec les recommandations d’Allah, consiste à faire confiance à la finance islamique en général et à la Banque Zitouna en particulier.
Dans l’ensemble, le spot délimite assez bien la clientèle cible de la banque: les membres de la bourgeoisie et des classes moyennes et populaires tunisiennes, musulmans pratiquants ou de culture islamique traditionnelle.
Autrement dit, les Tunisiens (et les Tunisiennes) qui n’apprécient pas particulièrement les télé-prédications de Cheikh Mohamed Machfar, qui ne raffolent pas des feuilletons turcs, qui, pour leurs vacances, préfèrent Paris à Dubaï et Londres à Istanbul, et qui, last but not least, ne sont pas fâchés avec le taux d’intérêt bancaire… peuvent continuer de faire confiance à la vingtaine d’autres établissements bancaires classiques que compte la Tunisie. Vive le pluralisme bancaire !
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