Finalement, tout le monde trouvera son compte: Tunisiana n’échappera pas totalement au contrôle des Tunisiens, Wataniya pourra se déployer en Afrique du Nord et Orascom Telecom Holding aura de quoi payer ses dettes…
L’Egyptien Orascom Telecom Holding (Oth) a donc cédé ses parts dans Orascom Telecom Tunisie (Ott) à la société Wataniya, filiale koweïtienne de Qatar Telecom (Qtel), le groupe qatari de téléphonie, qui exploite la licence mobile tunisienne Tunisiana.
Wataniya, qui détenait déjà 50% de Tunisiana, a pris le contrôle de la moitié restante pour 1,2 milliard de dollars via un consortium conduit par Princesse Holding, de Mohamed Sakhr El Materi, et constitué de Wataniya, Princesse Holding et Délice, le groupe de l’industriel tunisien Hamdi Meddeb.
Selon des sources de Wataniya, le groupe qatari disposera désormais de 75% du capital d’Ott et les 25% restants iront au consortium tunisien conduit par Princesse Holding. Ce dernier va d’ailleurs travailler avec les autorités tunisiennes à la finalisation du rachat, qui devrait être conclu début janvier 2011.
Bien que la présidence du conseil de Tunisiana sera désormais assuré par Qtel, le management actuel de l’opérateur sera maintenu en place, a indiqué à Kapitalis une source à Qtel, et ce conformément à la stratégie préconisée par ses deux conseillers Bnp Paribas et Standard Chartered.
La bonne affaire de Qtel
«Nous sommes heureux d’avoir obtenu les actions supplémentaires de Tunisiana à un bon prix. Tunisiana est l’un des atouts de notre portefeuille. L’entreprise est en mesure de devenir le premier opérateur de communications en Tunisie», a déclaré le cheikh Abdallah al Thani, président de Qtel. Et d’ajouter: «Nous avons toujours réussi à travailler avec des partenaires locaux bien établis et très respectés, et nous sommes ravis d’avoir conclu un partenariat avec le consortium Princesse Holding, l’un des plus importants conglomérats de la Tunisie, présidé par Mohamed Sakher El Materi.»
Des analystes financiers estiment toutefois que Qtel a payé un peu cher l’opérateur mobile tunisien. Le coût de l’opération représente, en effet, 6 à 7 fois l’Ebitda de Tunisiana pour 2009.
Le groupe qatari n’a pas fait, pour autant, une mauvaise opération, ajoutent ces mêmes experts. Et pour cause: en prenant le contrôle de Tunisiana, avec un consortium local, Qtel s’impose comme un opérateur important en Tunisie et en Afrique du Nord.
«Cette acquisition est conforme au projet de Qtel Group (...) et avec la stratégie de développement de notre portefeuille, qui pourrait nous amener à augmenter notre participation dans des actifs performants et susceptibles de poursuivre leur croissance», a déclaré le cheikh Abdallah al Thani, président de Qtel.
Cette opération s’inscrit aussi dans la stratégie de Qtel qui cherche à se classer parmi le Top-20 des firmes mondiales des télécommunications, a ajouté son président. Avec cette opération, le groupe Qtel contrôlera désormais neuf opérateurs dans la région du Moyen-Orient – Afrique du Nord (Mena), avec une base de plus de 68 millions d’abonnés.
«Tunisiana est le leader d’un marché en pleine croissance avec des bénéfices stables. C’est donc stratégiquement, une bonne transaction», a déclaré Akber Khan, directeur d’Al Rayan Investissement à Doha.
Last but not least, la prise de contrôle de Tunisiana permettra à Qtel de se développer à l’étranger afin de compenser la perte de son monopole national depuis l’entrée au Qatar d’une filiale locale du britannique Vodafone, estime le même expert.
Tunisiana a lancé ses services en décembre 2002. Au 30 juin, l’opérateur comptait plus de 5,5 millions d’abonnés, avec une part de marché de 52,9%. Tunisiana est en concurrence avec Tunisie Telecom, l’opérateur historique, et le nouvel arrivant, Orange Tunisie, qui a lancé ses services fixe, mobile et internet en Tunisie en mai dernier.
«Nous sommes convaincus qu’avec le soutien et la participation active de Princesse Holding, nous serons en mesure d’aider Tunisiana à passer à l’étape suivante de son développement et à offrir au public tunisien des services de communication avancés, novateurs et plus concurrentiels au cours des années à venir», a déclaré le cheikh Abdullah Al-Thani.
Naguib Sawiris se remet en selle
La vente de ses parts dans Tunisiana ne change rien aux projets d’Oth, le groupe de l’Egyptien Naguib Sawiris, qui reste déterminé à vendre ses actifs au russe VimpelCom en vue de donner naissance au cinquième opérateur mondial de téléphonie mobile. Naguib Sawiris a d’ailleurs indiqué, dans un communiqué rendu public hier, que cette transaction est conforme à la stratégie d’Oth, qui cherche à «vendre les actifs non essentiels afin de renforcer la liquidité financière de l’entreprise et son assise financière».
Selon des sources proches du milliardaire égyptien, Oth a finalement fait une très bonne affaire. Qtel avait fait une offre d’un milliard de dollars tandis qu’Oth demandait 1,3 milliards. Avec 1,2 milliards, le groupe de Sawiris réalise une excellente opération pour des actifs dont la valeur de marché était estimée à 900 millions de dollar.
Le produit de la vente de Tunisiana permettra à Oth de rembourser ses dettes et de réduire le montant de celles devant être refinancées par VimpelCom. En se renforçant financièrement, grâce à sa fusion avec le groupe russo-norvégien, Weather Investments SpA, la maison mère d’Oth, va être en mesure de supporter la concurrence accrue que lui imposent les compagnies de téléphonie au Moyen-Orient. En effet, des groupes comme Qtel, Emirates Telecommunications Corp ou Etisalat cherchent aujourd’hui à élargir leurs marchés en Asie et en Afrique. En septembre, Etisalat a même offert d’acheter une participation majoritaire dans Zain Koweït pour environ 11 milliards de dollars US. De nouvelles batailles sont donc en perspectives...
Malek Naïli
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