Que deviendra le littoral de Hammamet dans 10 ou 20 ans? La plage aura-t-elle disparu? Comment traiter ce problème? Autant de questions qu’on doit poser dans l’urgence.
Par Dr Salem Sahli


Le port de plaisance de Yasmine-Hammamet représente la composante emblématique de cette station touristique. Il en est aujourd’hui le cœur battant et l’équipement phare. Pourtant, le projet de la marina est de toute évidence l’équipement qui a connu la naissance la plus difficile. Et pour cause: un ouvrage de cette envergure ne laisse pas indifférent, et selon le regard que l’on porte sur tel ou tel aspect du projet, les opinions peuvent diverger et les polémiques naître.

 

Un site écologiquement vulnérable
Dès la phase de conception du projet, des voix discordantes se sont faite entendre. Certaines, dont nous sommes, ont ouvertement exprimé leurs craintes quant aux conséquences qu’une telle installation, réalisée sur un site écologiquement vulnérable, ne manquerait pas d’engendrer sur l’écosystème marin et côtier du golfe d’Hammamet.
Ces acteurs ont plaidé l’abandon pur et simple du projet. D’autres acteurs ont par contre défendu le port de plaisance en tant que valeur ajoutée et composante essentielle en conformité avec l’esprit et le concept d’une «station touristique intégrée», et qui rompt avec l’ancien modèle d’aménagement touristique, celui du chapelet linéaire d’unités hôtelières.
Après de longues négociations, la question fut tranchée et l’on opta pour la construction du port de plaisance de Yasmine-Hammamet. Les intérêts financiers qui sous-tendent cette décision ne sont un secret pour personne.


Banquettes d’algues accumulées sur la rive Nord du port de plaisance

Une étude d’impact a bien été réalisée conformément au décret n° 91-362 relatif aux études d’impact sur l’environnement. Mais on lui reproche de s’être «limitée aux conséquences immédiatement prévisibles et étroitement circonscrites au périmètre d’aménagement». En d’autres termes, l’étude d’impact aurait été bâclée et aurait négligé les nombreuses modifications à attendre, loin en amont et loin en aval dans la cascade des transformations prévisibles.
Le port-marina de Hammamet a été réalisé sur un trait de côte linéaire et homogène. Il s’agit d’une zone classée par le schéma directeur d’aménagement de Hammamet-Sud (Sda) comme zone sensible. De plus, par souci économique et pour augmenter la capacité d’accueil, l’ouvrage empiète largement sur la mer et le domaine public maritime (Dpm). L’emprise du projet sur le Dpm passe ainsi de 5 ha lors des études préliminaires à 21 ha dont 16 gagnés sur la mer. La digue nord de la marina forme un barrage bloquant complètement le transit littoral du sable. Il en a résulté un engraissement de la plage au nord du port et une érosion ou amaigrissement au sud de celui-ci. Mais l’obstacle a également entravé la circulation naturelle des algues de posidonies du nord vers le sud.

Des hôtels «pieds dans les algues»
Résultat: des centaines de tonnes d’algues rejetées par la mer s’entassent quotidiennement sur la plage, occasionnant désagréments et colère. Certains hôteliers se plaignent à juste titre de ne pouvoir vendre des hôtels «pieds dans les algues».
Quant aux autorités locales et régionales, elles se contentent d’une gestion fort coûteuse, au jour le jour, d’un problème qui, il est vrai, dépasse le cadre de leurs compétences.
Que deviendra le littoral de Hammamet dans 10 ou 20 ans? Notre plage aura-t-elle disparu? Comment traiter ce problème? Autant de questions qu’on est en droit de se poser devant un tel gâchis. Et si traitement il y a, de grâce, faisons en sorte qu’il soit le plus conservateur possible à l’égard de ce joyau naturel qu’on voudrait transmettre à nos enfants. Car les multiples risques qui menacent et menaceront notre littoral naissent, pour la plupart d’entre eux, d’une mauvaise gestion de cet espace combien exigu, fragile et mouvant.