Article paru dans un supplément du quotidien britannique ‘‘The Independent” (samedi 7 janvier), consacré au tourisme tunisien un an après la révolution et intitulé “Sun, sea and solitude” (Soleil, mer et solitude).

Par Simon Calder


Première leçon : J’imagine qu’en matière de maintenance aéronautique, le premier enseignement dispensé aux futurs ingénieurs ressemble à quelque chose comme ceci : «Il est beaucoup plus facile de réparer une panne en cabine avant l’embarquement des passagers.»

Le pauvre ingénieur, qui présente plus qu’une vague ressemblance avec Che Guevara et dont la veste fluorescente indiquait qu’il faisait partie du service technique de Tunisair, se souviendra longtemps du jour de l’an 2012 où il s’est retrouvé contraint de réparer l’avion sous les regards de passagers pressés de rentrer chez eux. Mais en l’absence de concurrence, la compagnie Tunisair n’éprouve aucun besoin de mieux se comporter.


Avion Tunisair à l'aroport de Heathrow.

La concurrence profitera à tout le monde

Une des raisons qui a fait que le tourisme tunisien dégringole loin derrière celui du Maroc est l’absence de recours à la politique de «l’open sky». La Grande Bretagne a pu se rendre compte, il y a 30 ans, que la libéralisation du transport aérien et l’encouragement de la concurrence profitaient à tout le monde.

La première expérience avec la compagnie British Midlands (disparue ultérieurement hélas) a permis aux voyageurs d’apprendre que l’embarras du choix était synonyme aussi de réduction des tarifs et un moyen de pression sur les transporteurs pour améliorer leur service.

A travers la majeure partie de la Méditerranée, les vols sont aussi nombreux et fréquents que le marché peut le supporter. Mais certains accords bilatéraux restrictifs, où une ligne est départagée entre compagnies nationales, ont survécu et sont encore en vigueur.

Un exemple est celui qui existe entre Londres et Tunis. Alors que la ville de Marrakech dispose de 5 vols quotidiens au départ de Londres, objets d’une concurrence acharnée entre 4 compagnies aériennes, les seules compagnies régulières autorisées sur le tronçon de Tunis capitale sont British Airways, qui assure 5 vols hebdomadaires au départ de l’aéroport de Gatwick, et Tunisair, avec la même fréquence mais au départ de l’aéroport de Heathrow. Il est, par conséquent, inévitable qu’une telle situation débouche sur des tarifs plus élevés et une qualité de services moindre en comparaison avec d’autres parcours similaires. Tunisair m’a donné l’occasion de vérifier cette logique par moi-même lors de mon voyage de la semaine dernière à Tunis.

Le vol de départ de Heathrow a eu lieu avec une heure de retard sans qu’aucun responsable de Tunisair n’ait pris la peine de présenter la moindre information ou explication. Pour le vol du retour le 1er jour de l’année 2012, la prestation de la compagnie était à la limite du comique. Je faisais partie d’un groupe de 5 passagers et je savais qu’avoir des sièges ensemble n’était pas toujours facile, toutefois le «Poker des cartes d’embarquement» distribué de la main de l’agent d’enregistrement ne pouvait être plus mauvais : 9B, 10B, 15A, 15F et 18E.

Quand j’ai indiqué que deux des passagers étaient des enfants, la réponse fut un haussement d'épaules : «Dites-le à la porte de l’avion». Le renvoi de balle continua dans la salle d’embarquement : «Voyez avec le personnel de bord».  Heureusement qu’il y a toujours des âmes charitables parmi les passagers pour transformer ce poker perdant en poker gagnant : trois sièges de même rang dans la rangée 10. Le personnel de cabine n’était pas préoccupé par la présence de deux enfants parmi les passagers et ce nouvel emplacement allait se révéler propice pour le spectacle que les sièges 10E, F et G allait nous offrir.

Le tour de magie du mécanicien

A l’heure prévue de départ, un agent de la maintenance regardait le port du moteur, l’équivalent du capot pour un avion. Un tour de magie impliquant des clés réglables, un chiffon huileux et un lubrificateur semblait venir à bout de la panne. Mais une demi-heure après l’horaire prévu de décollage, on nous informa d’un nouveau retard de 30 minutes dû à un contrôle technique.

Messieurs 10E, F et G étaient priés de se mettre de côté pour que M. Guevara l’ingénieur puisse batailler contre la panne à l’aide de clés, de fils et d’ampoules. Il est parvenu finalement à réparer la panne déclenchant quelques applaudissements.

L’avion arriva en toute sécurité à l’aéroport de Heathrow avec un retard de 75 minutes. Cette situation m’inspira quelques conclusions : Tunisair est une preuve supplémentaire de la théorie d’aviation qui veut que plus un pays est accueillant et hospitalier et moins ses qualités sont démontrées par sa compagnie nationale qui considère les passagers comme étant une source d’irritation et d’encombrement, sans lesquels le déroulement de ses opérations se ferait dans de meilleures conditions.

Si le nouveau gouvernement fait preuve de bon sens en libéralisant le transport aérien, il rendrait un grand service à Tunisair.

Traduit de l’anglais par Rachid Merdassi

Titre original de l’article : ‘How Tunisair put a spanner in the works’’