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Le gouvernement préfère le dialogue à la répression pour tenter de tempérer la flambée des prix des produits alimentaires. Et s’avoue impuissant face à la montée des exportations sauvages des produits alimentaires vers la Libye.

Par Wahid Chedly


La sensibilisation des commerçants et la constitution de stocks régulateurs sont les principales pistes envisagées. Les commerçants sont-ils prêts à jouer le jeu? Rien n’est moins sûr…

Après avoir prôné à tout-va l’intensification du contrôle économique pour alléger la pression sur le pouvoir d’achat des citoyens en cette phase de redémarrage fragile de l’économie tunisienne, exsangue par près d’un an et demi d’agitation révolutionnaire, le gouvernement est en train de changer son fusil d’épaule.

Eviter le tout répressif

Face aux commerçants malhonnêtes et avides de gros profits, il n’agite plus le gros bâton et mise essentiellement sur le dialogue. «Nous voulons passer du contrôle répressif au contrôle préventif qui repose notamment sur le dialogue et  la sensibilisation des commerçants quant à la nécessité de se contenter d’une marge bénéficiaire raisonnable», a expliqué le chef du cabinet du ministre du Commerce, Samir Abid, lors d’un déjeuner de presse, mercredi, au Centre de promotion des exportations (Cepex), en indiquant que la lutte contre la flambée des prix était auparavant fondée sur le «tout- répressif». Et d’ajouter: «Nous souhaitons changer les mentalités dans le cadre d’une nouvelle orientation stratégique. C’est un changement radical qui s’opère en ce qui concerne la mission des agents du contrôle économique».

S’agit-il là d’un implicite aveu d’échec en matière d’application de la loi contre les  fraudeurs surtout que des agents de contrôle économiques ont été copieusement «corrigés» par des commerçants lors d’une campagne lancée au début de l’année pour lutter contre l’envolée des prix et la spéculation?

«Le recours au dialogue et à la sensibilisation constitue un choix réfléchi et  non pas une obligation. Et puis, nous ne comptons pas renoncer complètement à l’usage de la force légale. La nouvelle orientation repose sur le dialogue à hauteur de 80% et la répression à concurrence de 20%», rétorque le responsable du ministère du Commerce.

Selon lui, la nouvelle stratégie dont la mise en œuvre a été entamée progressivement fin février dernier commence déjà à donner ses fruits. «Au cours des deux derniers mois, les prix de douze types de produits, dont les tomates, les poivrons, l’oignon et les poissons, ont baissé», a noté M. Abid.

Autre indice encourageant à ses yeux: le ratio visites de contrôle économiques/infractions relevées a considérablement baissé. Entre le 22 février et le 25 avril, quelque 2.500 infractions seulement ont été relevées pour 46.000 visites, selon les statistiques du ministère.

 

Tout est disponibles mais à quel prix?

Restaurer le rôle régulateur de l’Etat…

Le deuxième pilier de la nouvelle  stratégie du ministère du Commerce concerne la restauration du rôle régulateur de l’Etat, notamment à travers la constitution de stocks régulateurs de certains produits de base afin d’équilibrer l’offre et la demande en cas de besoin Dans ce cadre, le ministère va importer dans les quelques jours à venir 3.000 tonnes de pomme de terre d’Egypte ainsi que 5.000 tonnes de viande ovine et bovine provenant de l’Allemagne et de la France.

Les autorités avouent, toutefois, que leur marge de manœuvre est très étroite en ce qui concerne la lutte contre la montée en flèche des exportations des produits alimentaires vers la Libye voisine. «Il s’agit là d’un choix stratégique. La Tunisie ne peut pas couper le robinet des exportations vers le marché libyen même si nous reconnaissons que le citoyen tunisien paie la facture de cette solidarité entre les deux pays qui ont vécu des circonstances exceptionnelles», lâche Samir Abid.

Le chef du cabinet du ministre du Commerce a, d’autre part, appelé le consommateur tunisien à faire preuve de modération, pour ne pas perturber l’équilibre de l’offre et de la demande. «La maîtrise des prix peut être aussi obtenue grâce à bon comportement du consommateur qui constitue un maillon essentiel de la chaîne commerciale. En renonçant à la fièvre acheteuse et à la consommation de produits en dehors de leur saison de production comme les primeurs, le consommateur est capable de casser le trend haussier des prix des produits alimentaires», a-t-il souligné.

A moyen terme, des décisions sont également attendues en ce qui concerne les conditions du travail des  agents de contrôle économique. «Un paquet de mesures visant à renforcer le corps des agents de contrôle. L’intérêt se porte notamment sur le recrutement de 100 nouveaux contrôleurs économiques, l’octroi de nouvelles indemnités aux cadres et agents de cette corporation et le renforcement du cadre légal régissant son champ d’activités», précise M. Abid, rappelant que toute personne empêche les agents de contrôle d’accomplir leur mission est passible d’une peine de prison d’une durée de 16 jours à 3 mois ou d’une amende allant de 50 à 5.000 dinars.