Aussitôt constituée, la cellule du parti Nida Tunes en France connaît déjà de graves fissures. Et pour cause : l'entrisme de certains cadres de l'ex-Rcd braque les éléments démocrates et progressistes. Ambiance...
Par Samir Bouzidi*
Le scénario était écrit d'avance dans la capitale française, place historique où n'ont cessé de s'affronter pendant des décennies, farouches opposants et partisans zélés de l'ex-Rcd. Dans ce contexte, rassembler les ennemis d'hier sous la même bannière politique relevait presque du miracle!
Difficile à priori mais pas impossible à en croire la promesse de Nida Tounes Paris affichée sur sa page Facebook: «Pour la réussite du processus démocratique en Tunisie» qui laissait augurer un bel esprit de démocratie interne. La réalité serait beaucoup plus partisane si l'on en juge par la fronde actuelle du bloc progressiste.
Les ex-Rcdistes se bousculent au portillon
Cette protestation collective longtemps contenue en interne a fini par éclater au grand jour avec la publication cette semaine sur Internet d'une pétition au titre très explicite: «Non au retour aux commandes de l'ex-Rcd, au sein de Nida Tounes France». Ses initiateurs, le bloc des démocrates progressistes (partis de gauche, droit de l'hommistes, Ftcr...) crient à la main-basse sur le bureau constitutif de Nida Tounes Paris par les ex-Rcd reconstitués.
Caïd Essebsi saura-t-il rassembler les ennemis d'hier?
Selon les protestataires, la dernière liste communiquée par le bureau parisien du parti comprendrait même des indicateurs de l'ex police politique du Rcd à Paris. Une ligne rouge franchie et qui justifie le boycott de la participation des «Progressistes» au bureau désigné par Raouf Khamassi, le riche mécène de Nida Tounes, ex-membre du comité central du Rcd et actuel coordinateur de Nida Tounes à l'étranger.
Depuis cet été, des pourparlers de rapprochement avaient bien été engagés mais sans réelle volonté d'aboutir à un résultat consensuel. Le bloc progressiste n'ayant toujours pas digéré le coup de force de Raouf Khamassi, qui avait réuni en catimini, mi-septembre à Paris, vingt-huit convives, tous membres de l'ex-Rcd à Paris.
Dans la foulée, une liste officieuse du bureau constitutif avait été promulguée, venant récompenser d'une responsabilité dans le futur bureau, la quasi-totalité des participants. La réponse des progressistes ne s'était pas fait attendre avec l'annonce début octobre d'une contre-liste.
Grâce à l'étrange passivité de la direction du parti à Tunis, cette situation ubuesque perdure encore aujourd'hui. Les communiqués officiels émanant de la branche française du parti nous présentent Hamed Kribi comme le nouveau coordinateur de Nida Tounes à Paris tandis que le site officiel du parti en France affichait encore, ces dernières heures, le nom de Mohamed Hédi Djilani, aux mêmes fonctions.
Il était devenu urgent de trancher d'autant plus que le souffle de la contestation gagne les militants dans d'autres pays (Belgique, Allemagne, Canada...) confrontés aux mêmes frustrations.
C'est la ligne «ni Rcd, ni Ennahdha» qui prévaut
Taieb Baccouche attendu cette semaine en France pour calmer les esprit.
Dans ce contexte, la venue cette semaine à Paris de Taïeb Baccouche, secrétaire général de Nida Tounes, prend une dimension vitale. Cette visite de médiation constitue la dernière chance de sauver le rassemblement mais pas «sans vendre nos âmes» préviennent déjà les «progressistes».
Avec des sympathisants majoritairement acquis à la ligne «ni Rcd, ni Ennahdha», des dirigeants de partis alliés (Al Massar, Al Jomhouri...) qui ne finissent plus de s'interroger, le spectre d'une candidature dispersée en France n'a jamais été aussi proche.
Dans ce contexte, les prochaines décisions seront scrutées par tous au premier rang desquels figurent les partis d'opposition (Ennahda, CpR, Front de gauche...) qui jubilent devant ce spectacle d'un adversaire qui se saborde.