Adel Dridi, le patron de Yosr Développement, qui a escroqué des dizaines de milliers de personnes et vient d'être arrêté par la police après une courte cavale, a des relations avec les Ligues de la protection de la révolution (LPR) et autres officines proches d'Ennahdha.
Par Zohra Abid
Adel Dridi a recueilli les dépôts de plus de 50.000 personnes (chiffre avancé par lui). Beaucoup d'entre eux lui ont remis toutes leurs économies ou le fruit de la vente de leur maison, espérant recueillir, dans des délais exceptionnels, les bénéfices promis par celui que l'on surnomme déjà «Bernard Madoff tunisien» (jusqu'à 400%!).
Robin des Bois à Kabaria
Arrêté une première fois le 12 avril pour opérations financières frauduleuses, il a eu le soutien de plusieurs associations caritatives islamiques nées au lendemain des élections du 23 octobre 2011, ainsi que des membres des LPR, milices proches du parti islamiste Ennahdha, qui sont venus devant le tribunal réclamer la libération de Adel Dridi, «un homme réputé pieux et qui fait ses prières à l'heure à la mosquée», disaient-ils. Il a finalement été libéré, le 29 du même mois, mais son passeport lui a été retiré et ses déplacements limités au district du Grand Tunis, Nabeul et Bizerte, de manière à l'empêcher de s'enfuir par les frontières algériennes (ouest) et libyennes (sud).
Après la révélation, vendredi, du scandale de son escroquerie, des dizaines de ses victimes ont saccagé la maison de sa mère à Kabaria, quartier populaire au sud de Tunis, et d'autres ont manifesté devant la Banque centrale de Tunisie (Bct), dont la réaction très tardive a été assimilée à du laxisme.
Depuis hier, des vidéos, des témoignages et des photos de Dridi en de douteuses compagnies ont été partagés sur les réseaux sociaux.
Parmi les liaisons de l'escroc, on citera l'agitateur islamiste proche d'Ennahdha, Adel Almi (encore lui !), président de l'Association centriste pour la sensibilisation et la réforme (ancien commerçant de fruits et légumes, proche de l'ancien parti de Ben Ali, devenu islamiste après la révolution). Interrogé par certains médias, Adel Almi a nié avoir été escroqué par Adel Dridi. Il a cependant avoué qu'il le fréquentait ces derniers temps pour essayer de l'aider à trouver une solution à ses problèmes.
Le grand financier à l’œuvre: un instant de grande jubilation devant l’Éternel...
Adel Dridi avait également un lien avec les LPR de Kabaria, quartier populaire où il habitait et jouait au Robin des Bois en distribuant des aides financières aux pauvres et des repas de rupture du jeûne pendant ramadan, en collaboration avec certaines associations islamiques.
Saura-t-on jamais un jour la vérité?
De mauvaises langues prétendent même – ce que nous n'avons pas pu vérifier – que Adel Dridi serait le gendre (encore un?) de Houcine Jaziri, dirigeant d'Ennahdha et secrétaire d’État chargé de l’Émigration et des Tunisiens à l'étranger. Si cette information se vérifiait, cela ne ferait pas de M. Jaziri un complice, mais elle écornerait son image et celle de son parti.
Reste à savoir où sont allés les centaines de millions de dinars récoltés par Adel Dridi? A qui cette somme mirobolante a-t-elle profité ? Dans quels mystérieuses – et sordides – caisses a-t-elle échoué? Saura-t-on un jour toute la vérité sur cette escroquerie du siècle, que nous devons au laxisme du meilleur gouvernement que le pays ait jamais eu? Connaîtra-t-on, un jour, les complices, les protecteurs, les réseaux et les liaisons électives de M. Dridi? Ou, comme l'enquête sur l'assassinat du dirigeant de gauche Chokri Belaïd, celle sur les malversations de Adel Dridi se perdra dans les méandres d'une justice qui se cherche encore une improbable indépendance?
Illustration: Adel Dridi sait compter l'argent et c'est ce qui l'a perdu.