Taïeb Laaguili et Nizar Senoussi, membres de l'Initiative pour la recherche de la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaid (IRVA), ont fait de nouvelles révélations sur les complicités dans l'assassinat de Chokri Belaid.
Par Yüsra N. M'hiri
Au cours d'une conférence de presse, mercredi, à Tunis, M. Laaguili et Me Senoussi, également membre du collectif d'avocats de la famille de Chokri Belaïd, assassiné le 6 février 2013 devant son domicile, ont révélé que le 23 janvier 2013, soit deux semaines avant l'assassinat, l'employée d'une agence de banque à El Menzah 6 a prévenu la police de la présence d'une voiture suspecte, une Polo immatriculée 1488 TUN 98, dans la zone, avec à son bord deux individus barbus au comportement bizarre.
Qui protège Marwen Belhaj Salah?
Cette voiture appartient à Marwen Belhaj Salah, un élément salafiste connu de la région du Kram Ouest, banlieue nord de Tunis.
Me Nizar Senoussi assure qu'après l'identification du propriétaire de la voiture, la police du district de l'Ariana a alerté son homologue du district de Carthage, mais celle-ci n'a pas bougé le petit doigt pour essayer de démanteler le réseau, qui préparait l'attentat et se réunissait souvent au café Al-Waha au Kram-Ouest, au vu et au su de la police.
C'est, d'ailleurs, Marwen Belhaj Salah qui a mis en relation tous les autres membres du réseau terroriste : Kamel Gadhgadhi, Ezzeddine Abdellaoui, Boubaker El Hakim et Mohamed Amine Guesmi, affirment les conférenciers qui déplorent le manque de réactivité des autorités sécuritaires, malgré la gravité des faits portés à leur connaissance.
Pire encore : le soir de l'assassinat de Belaïd, lorsque les agents du district de police de l'Ariana sont allés chercher Marwen Belhaj Salah au Kram-Ouest, les autorités du ministère de l'Intérieur leur ont donné l'ordre de ne pas l'arrêter, prétextant que la police judiciaire allait se charger de l'affaire. Or, celle-ci n'a rien fait dans l'immédiat. Elle n'a pas, en tout cas, ordonné l'arrestation du suspect, qui a pu s'enfuir entretemps à l'étranger. Aussi, lorsque la police judiciaire a décidé enfin d'aller le chercher à son domicile, le 8 février, deux jours après l'assassinat, l'épouse du suspect les a informés qu'il était déjà parti en Arabie saoudite. Il s'était, entretemps, rasé la barbe et a cessé de fréquenter les mosquées, préférant les hôtels chics et les endroits trop laïques.
Des responsables sécuritaires au parfum?
MM. Laaguili et Senoussi ont fait remarquer, par ailleurs, que les responsables ayant failli à leur mission dans le démantèlement du réseau terroriste responsable de l'assassinat de Belaid, ont tous été promus... après cet assassinat. C'est le cas, particulièrement, de Mustapha Ben Amor, directeur du district de sûreté de Carthage devenu directeur général de la Sûreté publique, et Wahid Toujani, directeur général de sûreté publique au moment des faits.
Les deux autres responsables du ministère de l'Intérieur que M. Laaguili affirme vouloir poursuivre en justice dans le cadre de l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, sont Zouhair Seddik, chef de l'administration centrale des opérations, et Mourad Sebaï, directeur de la police judiciaire au moment des faits.
Hamma Hammami, leader du Front populaire, dont Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi étaient membres fondateurs, présent à la conférence de presse, a affirmé, de son côté, que le gouvernement Ali Larayedh devrait démissionner. Car les assassinats étaient prévus de longue date et le ministère de l'Intérieur en était prévenu, mais au lieu d'arrêter les criminels avant qu'ils ne passent à l'acte, il a préféré laisser faire.