Dans la nuit du dimanche au lundi, et dans l'euphorie qui a suivi l'adoption de la nouvelle Constitution, Habib Ellouze (Ennahdha) et Mongi Rahoui (Watad) se sont embrassés... La hache de guerre est-elle enfin enterrée? Pas si vite... VIDEO.
Par Yüsra N. M'hiri
Ce geste, qui en a surpris plus d'un, a été considéré comme un moment historique par les internautes, qui ont partagé des photos de l'accolade entre ces deux irréductibles adversaires politiques, et salué les deux députés qui se sont souvent étripés sous la coupole de l'Assemblée nationale constituante (ANC).
Habib Ellouze, le député islamiste radical d'Ennahdha, avait, le 5 janvier dernier qualifié, Mongi Rahoui, député de gauche radicale, d'«ennemi de l'islam». Ce qui a valu à M. Rahoui des menaces de mort de la part d'extrémistes religieux.
A quelque chose malheur est bon: c'est finalement ce grave dérapage du député islamiste qui a accéléré le vote de l'article 6 de la constitution interdisant le «takfir» (laccusation d'apostasie et de mécréance).
Le différend entre les deux hommes semble avoir été mis momentanément entre parenthèses, le temps de se féliciter de l'adoption d'une constitution après deux ans de tiraillements politiques et idéologiques.
L'esprit de tolérance légendaire des Tunisiens a-t-il, encore une fois, triomphé des velléités d'extrémisme?
Les internautes, qui ont partager les photos et vidéos de l'accolade entre MM. Ellouze et Rahoui, ont commenté cet acte avec une certaine fierté: «Bravo, c'est la Tunisie, qu'on aime»; «C'est un geste noble, qui montre à quel point notre Tunisie est belle et que la violence n'y prendra jamais le dessus»; «Un geste héroïque et plutôt rassurant pour l'avenir»; «Le vrai moment historique ce n'est pas le vote de la Constitution, c'est l'accolade des deux députés ennemis»; «La rédaction de la constitution les a divisés, son adoption les a rapprochés», lit-on, dans les commentaires postés sur les réseaux sociaux.
Une minorité a tout de même interprété ce geste, de la part de Mongi Rahoui, comme «une trahison de Chokri Belaïd», Habib Ellouze ayant également qualifié d'«ennemi de l'islam» ce dirigeant de gauche, peu de temps avant son assassinat, le 6 février 2013.
Interrogé à ce propos par Kapitalis, Mongi Rahoui a répondu qu'«il n'est pas nécessaire de polémiquer sur le sujet, compte tenu du fait que les embrassades ont eu lieu spontanément dans un contexte bien déterminé.»
«C'est ainsi qu'est notre Tunisie, plus que jamais tolérante. Dans l'euphorie qui avait conquis la salle, nous étions tous heureux de l'adoption de la nouvelle constitution votée avec 200 voix sur 216, une majorité écrasante», a-t-il expliqué. «Ce geste ne m'empêchera pas de continuer de lutter contre la violence, le terrorisme et l'extrémisme. J'en fais mon combat, comme toujours, et je reste fidèle à mes principes», s'est-il cependant empressé d'ajouter pour lever toute équivoque.
Illustration: L'embrassade spontanée de Habib Ellouze et Mongi Rahoui.