«La rétractation de Khayam Turki, pressenti dans un premier temps pour diriger le ministère des Finances dans le gouvernement Jebali, n’est pas due à une ingérence étrangère, comme sont en train d'affirmer les médias», affirme le cabinet d’avocats Boussayene-Knani-Houerbi.
Par Zohra Abid
Lorsque le parti Ettakatol a présenté la liste de ses membres pour des portefeuilles ministériels au chef du gouvernement, publiée le jour même par certains médias, une alerte a été donnée par un cabinet d’avocats qui a sous le coude une affaire contre M. Khayam remontant à quelques mois. Les journaux ont eu vent de l’information et un mini-scandale a éclaté. Ettakatol et Hamadi Jebali ont fait marche-arrière. Ce qui explique le report de 24 heures de la présentation de la liste du gouvernement au président de la république et le remplacement de M. Khayam à la tête du ministère des Finances par Houcine Dimassi ou Abdelhay Chouikha (encore en ballotage).
Qui a parlé d’intervention étrangère ?
En l’absence d’informations claires, certains confrères y sont allés de leur petite explication. On a parlé d’intervention étrangère pour nommer ou dénommer tel membre du nouveau gouvernement tunisien. Ce que le cabinet d’avocats en question dément formellement : le groupe émirati n’est jamais intervenu. «Ce dossier n’a aucune dimension politique, nous nous limitons à son aspect juridique qui va déboucher sur une plainte pénale».
Le cabinet s’abstient à fournir plus de détails concernant ce dossier puisqu’il est tenu par une obligation de confidentialité. «Nous ne sommes pas en mesure de donner plus de détails. Mais il était de notre devoir de réagir à temps», a déclaré à Kapitalis l’un des avocats en charge du dossier.
Pourquoi avoir choisi d’ébruiter l’affaire maintenant ? Réponse de l’avocat : «On n’a pas choisi le timing pour annoncer l’affaire à la presse. Mais le dossier que nous tenons depuis des mois est lié à d’autres affaires en cours, c’est-à-dire à d’autres procédures».
Invité à donner davantage d’explication, l’avocat enchaîne : «Le dossier contre M. Turki est à la fois lié à plusieurs autres affaires à l’étranger, dont certaines ayant lien avec un paradis fiscal et un pays européen». Il poursui t: «Ce qui nous a obligé à ébruiter l’affaire c’est la parution du nom de M. Khayam dans la liste du nouveau gouvernement publiée par l’agence Tap le 15 décembre. L’alerte n’a pas été demandée pas notre client des Emirats. C’est notre cabinet (en coordination bien sûr avec ce client) qui en a pris l’initiative».
Un dossier lourd de conséquence ?
Selon le cabinet Bousayenne-Knani-Houerbi, «il est inconcevable que le premier gouvernement légitime comporte un ministre, qui plus est, des Finances contre lequel notre client compte intenter une action pénale lourde de conséquences et qui a des implications dans plusieurs pays étrangers», précisent les avocats. Et ils insistent : «Si on n’avait pas réagi à temps, notre client aurait porté plainte contre le nouveau ministre, M. Turki, dès l’annonce officielle de son nom dans la liste officielle du nouveau gouvernement. Nous avons préféré alerter les autorités et éviter à temps un incident politique».
De plus, les avocats affirment défendre les intérêts de la Tunisie qui a besoin d’investisseurs étrangers pour redresser la situation économique. «Il va sans dire qu’en tant qu’avocats, nous défendons les intérêts de notre client, mais il est de notre devoir de défendre les intérêts de tous les investisseurs étrangers, nous donnons ainsi la nouvelle image que la Tunisie devrait véhiculer après la révolution.»
Le financier tunisien et le ministre émirati de l’Intérieur
Le cabinet d’affaires Boussayene-Knani-Houerbi continue d’affirmer qu’«il n’y a eu aucune intervention étrangère dans les décisions du gouvernement comme sont en train de prétendre les médias». Or, ce n’est pas l’avis de Khémaies Ksila, membre d’Ettakatol, et proche du dossier, qui a déploré, mardi, dans une interview à Shems FM, «l’ingérence dans les affaires internes du pays de responsables émiratis».
Selon la version défendue par M. Ksila, M. Turki serait un homme intègre dont le parcours professionnel a croisé celui de l’actuel ministre de l’Intérieur des Emirats Arabes Unis. Le financier tunisien aurait pris connaissance, du fait même de cette proximité, de certains dossiers délicats concernant les relations d’affaires entre la Tunisie et les Emirats, du temps de Ben Ali. Le membre de l’Assemblée constituante va même plus loin en interpelant la direction d’Ettakatol et le Premier ministre Hamadi Jebali, en leur demandant de ne pas céder aux «pressions extérieures» et d’être «solidaires» avec M. Turki.
Quoi qu’il en soit, M. Turki, que nous avons essayé de joindre au téléphone, n’a pas daigné répondre. Son silence, alors que la polémique autour de sa personne ne cesse d’enfler, ne sert pas ses intérêts. Et encore moins son image.
Affaire à suivre…