Loin de dissiper les circonstances mystérieuses ayant entouré la fuite de l’ex-président en Arabie saoudite, les aveux du général Ali Seriati devant le tribunal y ajoutent encore plus de mystère.
Par Zohra Abid
Le 13 janvier 2011, à la veille de sa fuite en Arabie saoudite, Zine El Abidine Ben Ali aurait distribué la bagatelle de 500.000 dinars aux 2.500 agents de la sécurité présidentielle. Cela fait à peine 200 dinars par agent, mais cette «prime», servie alors que le pays était en pleine ébullition, a été dépensée pour quel dessein ?
Une paranoïa généralisée
Selon Ali Seriati, ancien directeur général de la sécurité présidentielle, en détention depuis le 14 janvier, «les 2.500 agents de la sécurité présidentielle n’ont pas participé aux évènements de la révolution». Car, ces agents, a-t-il raconté lors de l’audience du lundi au tribunal militaire du Kef à propos de l’affaire dite des martyrs et des blessés de la révolution, n’ont confiance en personne. Ils se contrôlaient tous les uns les autres afin de prévenir tout complot ou assassinat fomenté de l’intérieur du système, a-t-il expliqué.
Ali Seriati devant ses juges
Et il n’y a aucune raison pour ne pas le croire, sachant la paranoïa que l’ex-président faisait régner autour de lui pour mieux contrôler la machine de répression. Tous les yeux étaient d’une certaine manière les siens.
Big Brother is watching you
C’est ainsi que, selon M. Seriati, l’ancien président recevait des rapports sur les activités du Rcd, le parti au pouvoir dissous, de la part de Youssef Abdellatif, attaché d’administration au Rcd avant qu’il ne parte à la retraite. Et d’ajouter que l’appareil sécuritaire de la présidence espionnait tout, notamment les administrations, les responsables et les personnalités. Ce qui confirme ce que tous les Tunisiens savaient : ils se sentaient d’ailleurs épiés en tout lieu et à tous les étages.
«Les agents de la sécurité présidentielle circulaient en 4X4 pendant les déplacements du cortège officiel de l’ancien président. Et pour leurs missions dans les régions du pays, ils se déplaçaient dans des bus privés», ajoute M. Seriati.
Combien d’heure travaillaient-ils ? Selon Ali Seriati, ils étaient tenus d’assurer 6 heures par jour. Sauf en cas majeur, là ils passaient au double. C’est-à-dire 12 heures à la file.
Ali Seriati ramené au tribunal
Quid du plan de putsch contre-révolutionnaire ?
Dans les jours ayant précédé la fuite de Ben Ali, on avait parlé de snipers déployés dans le pays qui auraient été recrutés parmi les agents de la sécurité présidentielle. On avait parlé aussi d’un plan de contre-révolution (ou de putsch) manigancé par le général Seriati et la sécurité présidentielle pour reprendre le pouvoir dans le pays. On avait également parlé de quelques 600 voitures de location et agents armés jusqu’aux dents qui auraient été déployés dans le pays à cet effet.
Un sniper sur un toit à Tunis
L’histoire de l’arrestation de M. Seriati dans le sud du pays, alors qu’il tentait de fuir vers la Libye, est une autre intox, sachant que l’homme avait été arrêté par l’armée juste après le décollage de l’avion de Ben Ali vers l’Arabie saoudite, au soir du 14 janvier.
Rien de tout cela ne semble, en tout cas, confirmé par les aveux de M. Ali Seriati. A quels desseins ces intox étaient diffusées dans l’opinion ? Par qui ? Et, surtout, au bénéfice de quelle partie ?