Le taux de la criminalité en Tunisie post-révolution est en hausse. Le ministre de l’Intérieur explique les raisons de la prolifération de la petite et grande délinquance durant 2011 et début 2012.

Par Zohra Abid


 

Depuis les événements de la révolution en janvier 2011, le nombre de petits et grands délits a connu une montée vertigineuse. C’est ce qu’a expliqué, lors d’un point de presse, lundi à Tunis, le ministre de l’Intérieur Ali Laârayedh.

Un bilan peu rassurant, mais la situation est de mieux en mieux maîtrisée.

Un tableau noir

Selon M. Laârayedh, 400 postes de police ont été saccagés ou incendiés, 800 véhicules (voitures ou mobylettes) ayant appartenu aux forces de sécurité brûlés ou entièrement ou partiellement cassés. Et pas seulement ! Plusieurs maisons ont été incendiées, 12.000 prisonniers ont fui les établissements pénitenciers dont plusieurs étaient condamnés à de lourdes peines pour des crimes odieux.

«En l’absence de la sécurité, un sentiment d’appartenance tribale ou de régionalisme a malheureusement pris le dessus, alors que nous pensions avoir dépassé ces résidus du passé et que tous les Tunisiens étaient enfin devenus des citoyens logés à la même enseigne, celle de l’unité nationale. Malheureusement, ceux qui ont cherché à alimenter ce sentiment rétrograde ont eu gain de cause», a déploré le ministre. Et de continuer à brosser le tableau sombre, celui d’un pays qui traverse une période difficile de son histoire.

«70.191 personnes ont été arrêtées (55.000 par la police et 15.000 par la garde nationale). Parmi ces individus, 36.000 personnes recherchées. 8.000 pour vol, 200 pour meurtre ou tentative de meurtre, 4.000 pour violence, 1.100 pour braquage, 3.500 pour consommation ou trafic de stupéfiants, 10.000 pour saoulerie et tapage sur la voie publique», a souligné le ministre. Et d’ajouter que depuis le 1er janvier au 12 février de l’année en cours, 12.317 personnes ont été arrêtées pour divers délits précisant que la police en a arrêté 9.900 et 2.400 la Garde nationale.


Ali Laâredh en conférence de presse lundi 13 février

«Parfois, il a été très difficile d’arrêter des criminels, comme les braqueurs des banques, les trafiquants d’armes ou de stupéfiants. Malgré les difficultés, nos forces veillent sur la sécurité des citoyens partout où ils sont. Nous saluons nos unités pour tous leurs efforts, notamment pendant les périodes des élections et des examens scolaires, et pour le travail qu’elles effectuent sur nos frontières avec la Libye ou l’Algérie en faisant notamment barrage aux trafiquants de produits alimentaires, d’armes ou de stupéfiants», a tenu à souligner le ministre.

Les constructions anarchiques

«Alors que les forces de l’ordre étaient sur tous les fronts pour la sécurité du pays, certains citoyens ont profité de la situation pour mettre la main sur des biens de la commune ou des domaines agricoles et construire anarchiquement et sans autorisation soit des habitations ou des commerces», a relevé M. Laârayedh avant d’ajouter : «Il nous reste beaucoup à faire pour rétablir l’autorité de l’Etat et de l’institution sécuritaire. Nous avons encore du travail à faire pour assurer les droits des citoyens, la protection de l’environnement et la santé pour tous», a précisé le ministre. Et de rappeler qu’il y a des interventions urgentes, mais il faut procéder par les priorités.

Selon M. Laârayedh, les événements survenu à Bir Ali Ben Khalifa, qui ont permis de découvrir les ramifications d’un réseau terroriste, et la vague de froid qui a paralysé plusieurs régions du nord-ouest du pays sont parmi les urgences. Ce qui a retardé les interventions contre les constructions anarchiques et autres formes d’abus. «Cette période a été précédée par un nombre impressionnant de sit-in. Il y a eu même des personnes pour bloquer des routes et d’autres empêchant les gens à se rendre au travail. Nous avons procédé par étape», a-t-il rappelé. Et de regretter que les investisseurs, tunisiens ou étrangers, n’aient pas été mobilisés pour mettre la main à la pâte et aider à résorber le chômage en hausse continue. Car, c’est ce fléau, on ne le sait que trop, qui alimente la délinquance.

«Dans un mois ou deux, la situation sera meilleure. Il va y avoir plus d’équipement pour nos forces de sécurité et du renfort humain avec le recrutement de deux unités dans les rangs de la garde nationale», conclut le ministre de l’Intérieur, sur un ton plus positif.