Malgré son timing serré, François Hollande a pris le temps de répondre aux questions de Kapitalis. Il affirme: «Je suis prêt à venir à Tunis… pour réinventer nos relations avec les pays africains».

Propos recueillis par Jamel Dridi


Kapitalis:  M. Hollande, les peuples africains furent déçus du fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy dans lequel la phrase «l’Afrique n’est pas assez entrée dans l’Histoire» a été prononcée. Seriez-vous près si vous êtes élu à faire un grand discours anti-dakar à Tunis (pays du printemps démocratique) pour réconcilier la France et les pays africains?

François Hollande: Oui, j’ai annoncé dans les 60 engagements que j’ai pris devant les Français ma volonté de rompre avec la Françafrique. Or rompre avec la Françafrique, c’est d’abord rompre avec une certaine vision de l’Afrique, une vision paternaliste et ethnocentrée de ce continent qu a tristement illustré le discours de Dakar.

Ce discours, Nicolas Sarkozy ne se serait jamais permis de le prononcer à propos d’un autre continent que l’Afrique. «L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire»… Ces propos  puisés dans les fonds les moins reluisants de l’ethnologie coloniale illustrent un mépris envers l’Afrique qui doit cesser en rendant justice au passé, mais surtout en regardant l’avenir d’un continent qui connaît des transformations sans précédent comme l’illustre l’évolution de la Tunisie.


François Hollande reçu le 25 mai 2011 par l'ex-Prmier ministre Béji Caïd Essebs.i

La politique africaine de la France doit être fondée sur des relations fraternelles et non paternelles, basées sur l’égalité, sans ingérence ni indifférence, sans sentiment de supériorité. Rompre avec la Françafrique, ce n’est pas renoncer à une politique africaine, mais c’est promouvoir une relation fondée sur le respect, excluant toute condescendance à l’endroit des Africains. Je suis évidemment près à le dire à Tunis. Mais je crois que l’Afrique n’a pas seulement besoin d’un nouveau discours. Si nous voulons réinventer notre relation avec les pays africains, il nous faut commencer par clarifier nos engagements, à l’aune de nos moyens, et tenir parole.

Les pays africains en général et les pays du printemps arabe en particulier n’ont besoin ni de leçons de démocratie, ni de promesses non tenues. Notre devoir, nos intérêts nous commandent d’accompagner ces sociétés dans la voie de la démocratie, sans arrogance ni ingérence, mais avec réalisme et empathie, disponibilité à l’égard de partenaires nouveaux et des demandes qu’ils nous adressent au nom de leurs peuples.

Nous savons combien l’aboutissement positif de ces transitions est décisif pour l’avenir de l’Europe. J’y vois là une des grandes priorités de l’action extérieure de la France.

En  Méditerranée aujourd’hui, il y a urgence à entrer dans le concret. Les besoins dans les pays du sud sont immenses, en termes d’emploi, d’éducation, d’opportunités de croissance: la stabilité de ces pays reposera pour l’essentiel sur la justesse des réponses qui seront apportées à ces besoins.


Hollande le 25 mai 2011 dans les rues de Tunis.

M. Hollande, ces dernières années, la France est clivée et divisée en raison de la recherche permanente de «boucs émissaires» étrangers ou français d’origine étrangère; si vous êtes élu, allez vous enfin réconcilier cette France déchirée?

Vous l’avez compris : ma volonté, mon ambition est de réconcilier les Français avec eux-mêmes, de rompre avec une présidence qui divise là où elle devrait rassembler. Pour moi, la République est ce lieu de rassemblement de tous les Français quelles que soient leurs origines. Je suis viscéralement opposé à toute discrimination en raison des origines, de la religion ou des simples apparences.


Hollande reçu par Ben Jaâfar au siège d'Ettakatol le 24 mai 2011.

La recherche de boucs émissaires étrangers ou d’origine étrangère a été utilisée par le président candidat pour masquer le bilan désastreux de son quinquennat en matière économique et social. Je souhaite une République forte mais respectueuse des différences.

Les Franco-tunisiens vont voter; quel message souhaitez vous leur envoyer?

D’aller voter aux deuxième tours, car le droit de voter est un droit précieux, et de faire le bon choix!