Des constructions anarchiques en béton armé sur le domaine public maritime détruisent la beauté d'un site naturel parmi les plus beaux et les plus précieux en Tunisie: lac de Ghar El Melah.
Par Tarak Arfaoui
Le lac de Ghar El Melah est un des rares sites naturels de la Tunisie relativement bien conservés jusque là. Situé a 50 km au nord de Tunis, produit de la nature qui l'a façonné en un site exceptionnel, où un écosystème s'est formé, réalisant une symbiose entre la montagne la mer et la lagune qui font sa particularité. Malheureusement, depuis la révolution de janvier 2011, un vent de vandalisme effréné a soufflé sur ce site où des constructions anarchiques se sont propagées sur les rivages du lac défigurant complètement le paysage et menaçant lourdement l'équilibre naturel qui a été forgé au cours des siècles.
La débandade des pouvoirs publics
Une simple balade en voiture sur les bords du lac en sortant du village de Ghar El Melah et en se dirigeant vers la plage vous donnera un aperçu des dégâts incommensurables provoqués par des constructions anarchiques en béton armé sur le domaine public maritime où toute construction est en principe strictement interdite. Les nombreux contrevenants ont profité de la débandade des pouvoirs publics et de la déliquescence de la municipalité en cette période pour construire des habitations les pieds dans l'eau avec le lot de pollution qui s'ensuit, de laideur qui défigure le paysage, et d'agression de l'équilibre naturel des rivages qui ont longtemps fait la renommée du site.
Le petit port de pêche de Ghar El Melah.
La beauté du site et sa situation géographique très particulière n'a pas échappé aux Phéniciens qui, depuis l'antiquité déjà, ont, selon leurs habitudes, bien évalué les bénéfices qu'ils pouvaient en tirer en créant un port très bien protégé, appelé Rusucmona accroché sur le flanc de la montagne (dénommée Cap Apollon par les Romains) au nord et protégé par le lac au sud, réalisant une sorte d'avant-poste pour Utica (Utique), le grand port commercial situé à une dizaine de Km plus au sud. Traversant les siècles, ce port a survécu à l'époque romaine puis médiévale et a atteint son apogée au cours de la période Hafside puis Mouradite au 17 siècle ou sous le règne de Osta Mratto Genovese (Sta Mrad Genouiz) un corsaire Gênois, il était classé par son activité maritime comme premier port de la Régence bien avant Tunis, Bizerte ou Sfax.
Grâce à sa position stratégique exceptionnelle, Porto Farina (du nom de Cap Farina actuellement Cap Sidi Ali El Mekki) était le plus grand port militaire de Tunisie et le principal port d'attache des corsaires qui écumaient la Méditerranée à cette époque.
Après l'interdiction de la course au 19e siècle, il n'a pas perdu de son importance avec la colonisation Andalouse et Turque, qui a d'ailleurs réalisé un brassage particulier de la population, très visible de nos jours chez les habitants de Ghar El Melah.
Faire appliquer la loi aux contrevenants
Les vestiges qui font la particularité du village, relativement bien conservés sous la forme des 3 forteresses Espagnoles et Turques, font de nos jours l'attraction du village.
Le lac par contre, à la beauté unique, est en voie de déliquescence et de destruction du fait du vandalisme et de l'absence totale de sens civique ou patriotique des habitants dont la plupart ignorent ou sous-estiment malheureusement le patrimoine de leurs ancêtres.
Je lance ici un appel désespéré aux autorités (si elles existent) pour faire appliquer la loi aux contrevenants afin de protéger les trésors de notre très riche patrimoine en commençant par éradiquer toute construction sur les rives du lac, et d'assurer un minimum de maintenance au niveau des édifices historiques du village