C'est dans la nuit du 6 au 7 janvier que la communauté orthodoxe russe en Tunisie a célébré la liturgie de Noël, l'une des 12 fêtes chrétiennes et la 2e importante fête orthodoxe après Pâques. Une petite heure à l'église russe de Mohamed V de Tunis.
Par Zohra Abid
Selon le calendrier julien, les millions d'orthodoxes dans le monde ont célébré Noël, le mardi 7 janvier. Les orthodoxes vivant en Tunisie n'ont pas dérogé à la tradition.
«Au programme : 3 messes. Une le lundi 6 janvier 2014 à 11 heures, une autre à 18H00 le même jour, puis, quelques heures plus tard, la messe de minuit», explique à Kapitalis la doyenne des orthodoxes russes en Tunisie, Tatiana Gharby, une Ukrainienne mariée à un Tunisien. Elle ajoute qu'elle se sent si bien en Tunisie qu'elle s'y considère vraiment comme chez elle.
Le père Dimitry conduit la messe.
En attendant la messe de minuit
Dès la façade de l'église, sise à l'avenue Mohamed V au centre-ville de Tunis, on apprend qu'elle a été conçue par l'architecte russe Michel Kozmine et inaugurée le 10 juin 1956, après 3 ans de travaux et trois mois après l'indépendance du pays.
A 18H00, il fait nuit sur Tunis. A quelques mètres de l'avenue Habib Bourguiba, l'église orthodoxe de l'Avenue Mohamed V. Dans la discrétion la plus absolue, quelques agents de la police montent la garde. Nous en avons repéré 3 : deux en uniforme à bord d'une voiture garée au pied de l'église et leur collègue en tenue civile sillonnant aux alentours. L'église est noyée dans le noir. Seulement quelques rayons de lumière tamisée sortent des fenêtres et illuminent la façade.
Les fidèles peuvent avoir des livres ou des portraits proposés par l'église et chacun est libre aussi de mettre un peu d'argent qui servira à l'église.
A l'intérieur : une dizaine d'hommes et de femmes en train de prier derrière le Père Dimitry. L'espace est éclairé aux bougies. Les murs sont tapissés de portraits de Jésus et Marie. Un petit sapin tout en guirlandes a été discrètement placé au coin. Et... pas de crèche comme chez les catholiques.
Presque en famille
Parmi les fidèles, Yasson, un Russe qui a débarqué en Tunisie depuis un an. Il travaille dans une société de service. A ses côtés, son épouse et sa fillette. «Il m'est difficile de venir assister à la messe de minuit. Car mon épouse est enceinte et un peu fatiguée. Nous avons préféré assister aux grandes vêpres de 18H00 et rentrer tôt chez nous à la Marsa», nous murmure-t-il. Il dit se plaire, lui aussi, en Tunisie qu'il avait déjà visitée auparavant.
A l'intérieur : une dizaine d'hommes et de femmes en train de prier.
Derrière Père Dimitry, les présents répètent en chœur les chants de la gloire de Jésus. De temps à autre, l'un d'eux se prosterne. Les lumières des bougies s'évanouissent, peu-à-peu. Une dame se charge de remplacer les bougies consumées par d'autres.
A droite de l'entrée, des bougies à emporter avec soi pour ceux qui le souhaitent. «Chacun est libre de mettre dans le plateau quelques pièces ou billets qui seront versés dans les caisses de l'église... Les fidèles peuvent avoir des livres ou des portraits proposés par l'église et chacun est libre aussi de mettre un peu d'argent qui servira à l'église», ajoute Yasson le Russe. Son enfant rentrera à la maison avec une grappe de bougies, blanches et rouges.
Père Dimitry chante sa liturgie à la gloire du Père immortel.
Gloire à la sainte trinité
Père Dimitry poursuit sa messe. Il chante la gloire du Père immortel... «Chantons le père et le fils et le Saint Esprit Dieu...». Père Dimitry entre dans la loge et continue son chant: «Ô Fils de Dieu, auteur de vie, aussi le monde te glorifie, Amen» (Merci pour la traduction de l'un des fidèles). Dans la salle, tout le monde répète «Amen» et fait le signe de trinité. La messe se poursuit et Père Dimitri, dans sa soutane, chante sa liturgie en tournant en rond...
Dehors, les agents de police montent encore la garde. Sait-on jamais. En avril 2012, on se le rappelle encore comme s'il était hier. L'archiprêtre, le Père Dimitry a été menacé par un islamiste extrémiste. Ce dernier lui a donné un délai de 3 jours pour enlever la croix de l'église et se convertir à l'islam – quitte par la force – sinon il serait tenu à verser une «jezia».
Après les menaces d'un islamiste extrémiste lancées au père Dimitry, la communauté orthodoxe de Tunis se fait très discrète.
Suite à cette menace, des caméras ont été placées un peu partout à l'église. Père Dimitri a informé, par le biais de l'ambassadeur de son pays d'origine, le président provisoire de la république Moncef Marzouki, des menaces pesant sur sa communauté dont certains membres vivaient en paix, en Tunisie, de père en fils, depuis un siècle et qui n'ont nullement envie d'aller ailleurs.
De l'extérieur, on entend «Amen ! Amen...»... Les voix sont étouffées par les vrombissements des moteurs et les klaxons des voitures. Les extraits des vêpres se poursuivent et bientôt on termine la messe... pour reprendre vers minuit. Tatiana Gharby sera «de la grand-messe de minuit», a-t-elle prévu après avoir fait son dîner de Noël chez elle.