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Traditions et coutumes en Tunisie

Traditions-tunisiennes

Extraits d’un ouvrage de Mohamed Ben Othman Al-Hachaichi*, ‘‘Traditions et coutumes en Tunisie’’**, publié par JilanI Belhaj Yahya, (Cérès Editions, 1994, 432 p.).

Traduits de l’arabe par Abdelatif Ben Salem  

De la Tannerie

La tannerie est une des spécialités artisanales tunisiennes. Elle compte des maîtres-tanneurs maîtrisant à la perfection les secrets de cet art. Fort réputée, cette profession avait ses souks florissants. Elle a périclité en raison de l’introduction massive du cuir européen sur le marché, comme le cuir à semelle (ni‘âl), le cuir vernis (ferniz) et le gros cuir (kâbira). Il ne subsiste aujourd’hui que quelques rares branches secondaires. Les tanneurs avaient leur propre souk appelé souk des tanneurs (sûq al-dabbaghîne) dont la plupart des ateliers ont disparu pour céder la place à des palais somptueux, à l’exception d’un petit nombre qu’on ne dépassant pas les doigts de la main.

Allah hérite de la terre et de ce qu’il y a dessus, nul meilleur que Lui […]

De la chasse et de la pêche (sayd )

Ce métier se divise en deux branches d’activité, la chasse et la pêche. La chasse ou la vénerie est pratiquée par des gens connus par leur adresse au tir; ils vivent souvent dans la campagne (arab). Ils chassent, à certaines époques de l’année, différentes sortes de gibiers et d’animaux sauvages, à l’exception de ceux dont la consommation est prohibée (muharrama) par les préceptes religieux. Leurs produits de chasse sont exposés à la vente dans  un endroit spécialement conçu pour cela dans l’enceinte du marché aux fruits (Funduq al-ghalla). Les veneurs ont leur préposé ou syndic (amîne) connu également par son habilité au tir. Il y a ceux qui capturent à l’aide des filets de lin les oiseaux de toutes sortes comme le chardonneret (moqnine), l’ortolan (minyar). D’autres chassent les animaux sauvages grâce à un dispositif en métal appelé mindâf, sorte de traquenard auquel est accroché un appât (ta‘ma), ressemblant fort un piège.

Quant à la pêche maritime, elle concerne la pêche au filet (shibâk) tressé de fil de lin, à la dynamite (lughm), à la nasse (kîss) et à la ligne (sunnâra)

Du cheptel du pays (qutr) toutes espèces comprises

On compte environ 100.000 têtes de bétail***.

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La tradition veut que le statut de l’ouvrier agricole (khammâs), rétribué au cinquième de la récolte, ne soit reconnu qu’après la signature d’un acte notarial fixant le salaire convenu ainsi que le domaine agricole où il sera affecté. Ce qui vaut pour le Code de la khammmâsa, vaut également pour le Code des pasteurs. Il y a des bergers spécialisés dans les troupeaux d’ovins, chaque pasteur a la charge d’un troupeau d’environ deux cents à deux cents cinquante têtes, désigné dans le jargon du métier par le vocable «bâton d’ovins ou de troupeau» (‘asâ ghanam) que l’éleveur confie au pasteur. Vers le milieu du printemps, le berger conduit son troupeau paître aux confins de la Régence, là où pousse grassement l’herbe des vastes alpages. Quand la transhumance touche à sa fin, il restitue le troupeau à son propriétaire, lui rend compte, et procède à la tonte ainsi qu’aux soins aux feuilles de tabac au cas où le troupeau est envahi par la gale. A titre d’exemple son salaire est fixé à dix jeunes brebis (allûshât) sur cent.

Si le berger prétend la mort d’une brebis, il lui faut en fournir le marquage et présenter d’autres preuves attestant bien de la mort de la bête. Il est toutefois rare de trouver un berger à qui on peut faire confiance, malheureusement on ne peut s’en passer.

Traditionnellement, c’est en été que le khammès commence la saison des labours, un cycle appelé al-rub‘î al-sayfî. En cas de différend entre le fellah et le khammès, un recours est introduit soit auprès du shaykh al-madîna (premier magistrat de la ville), soit auprès d’un des syndics (amîn/umanâ) agricoles qui rendent la justice conformément au droit coutumier. En cas de maladie, d’absence ou de fugue du khammès, le fellah procède à son remplacement par un autre khammès moyennent un salaire ne dépassant pas le montant de 1,50 franc par jour voire un peu plus, ce montant sera consigné dans le contrat sous forme d’avance de laquelle est soustraite une certaine somme au titre des frais de nourriture et de vêtements qui sont comme chacun sait, à la charge du fellah. Pour le fellah le khammès marié est plus rentable que le khammès célibataire. Les khammès se recrutent dans les couches démunies de la population. Après le battage, ils procèdent au stockage des réserves de fourrage, en mottes de chaume, protégées de la base au sommet par les ronces. Ils sont tenus d’exécuter tous les engagements prévus par le Code organisant leur statut.

Les cultures des céréales pratiquées dans la régence sont principalement celle du blé, de l’orge et du maïs. Quant aux outils agricoles utilisés couramment de nos jours, la plupart sont d’origine arabe (l’araire dit romain à soc unique), il en est de même des autres outils de récolte et de battage, etc. Néanmoins, certains exploitants locaux connus dans le domaine agricole comme Messieurs Haj Ali Ben Ammar, El-Habib El-Mestiri et Salah Jouini et d’autres possèdent la charrue moderne venue d’Europe. Le nombre des agriculteurs qui adoptent la motoculture européenne augmente de jour en jour en raison de sa grande utilité dans ce domaine.

Mohamed-Ben-Othmen-Al-Hachaichi

Mohamed Al-Hachaichi: fonctionnaire, journaliste, poète et anthropologue à ses heures.

Du métier d’extraction du beurre et des variétés de fromage

La fabrication du beurre est une spécialité des femmes bédouines (nisâ’ al-‘arab). Après avoir rempli l’outre (shakwa/guirba) de lait pur, elles l’accrochent à un triangle (hammara) formé de trois piquets verticaux en haut desquels elles suspendent l’outre, elles se mettent à la secouer énergiquement et à un rythme régulier jusqu’à ce que la beurre se différencie du petit lait (laban). Certains fabricants utilisent une baratte en céramique (zîr el-ben), le beurre extrait grâce à cet ustensile est de loin meilleur. Quant à l’usage du fromage (jibn), on notera que la plupart de ces produits sont fabriqués à Testour et à Zaghouan à partir du lait de chèvre, cette variété de jbin est considérée comme la meilleure variété de fromage de toutes nos contrées. On en fabrique également dans la capitale et ses environs en particulier au printemps. Toutefois l’aspect de ce dernier diffère du fromage décrit précédemment. Ce produit est vendu chez les crémiers et les fromagers (labbâna) au prix de 1,50 franc le kilogramme.

Le kassâb ou boucher

Partout dans le pays, que ce soit dans les deux faubourgs (al-Rabdhayn), dans la ville antique et au souk En-nhâs, on trouve des échoppes (hawânit) spécialisés dans le commerce de la viande. Le prix au kilo de certaines viandes tourne généralement autour de 0,50 franc pour la viande de mouton par exemple, excepté pendant la saison de printemps. Le prix de la viande de chèvre coûte généralement 6 sourdis, la viande de chameau se vend environ 1 ou 2 sourdis. Cela s’applique également au prix de la livre, c’est-à-dire au ½ kilo. Les gens qui s’adonnent à ce genre de métier se recrutent généralement dans les basses couches de la société, ils gonflent la viande à l’eau, ou y ajoutent l’équivalent de deux onces (ûqiyya = 33 grammes) de viscères et de tripes que seuls les Européens consomment. Ils peuvent également glisser l’équivalent de trois onces d’os par kilo. Ils font écouler en premier la viande de mauvaise qualité, et gardent les morceaux nobles pour les revendre au prix qu’ils fixent selon leur bon vouloir. La variété des viandes débitée par les juifs et les Européens est de qualité supérieure. Il est à noter qu’au jour d’aujourd’hui les gens de ce métier ne sont assujettis à aucune réglementation internationale. Ils ne craignent pas le jour où ni fortune ni descendance ne leur seront d’aucun secours, et où seul comptera le cœur pur quand sonnera l’heure de se présenter devant le Seigneur.

Commentaires à propos des variétés animales en fonction de la variété des reliefs géographiques

Les moutons des montagnes vallonnées (jûfiyya) appelés «à queue fine» ou «demi-fine» sont dépourvus de l’énorme réserve caudale de graisse (liyya plur. lawâya), ceux du reste du pays appelés «barbarin» ou «à grosse queue» en sont en revanche pourvus. La qualité de la viande de la première catégorie est plus savoureuse. Quant aux bovins, on trouve les meilleurs spécimens dans les zones montagneuses vallonnées et les régions proches. Leur pelage est d’un jaune tirant sur le roux.

Les chats pullulent dans la plupart des villes, ils ne se vendent ni ne s’achètent, les habitants leur apprennent à chasser les rats et les gerboises (jarbû‘ lat. gerboa) en particulier dans la ville de Tunis.
[…]

Des chameaux, de leur manière de se déplacer dans le désert et de leurs habitudes

Sache que les dromadaires (jmel) ou chameaux du désert (à une bosse) ont été dotés par le Seigneur d’une grande capacité de résistance à la faim et à la soif. Ils sont en effet capables de tenir quinze jours voire plus sans boire ni manger, malgré les lourds fardeaux qu’ils transportent. Leurs propriétaires ne leur prévoient aucune provision, ils se nourrissent dans la nature en mangeant certaines plantes coriaces. Ils sont d’une extrême vigilance tout particulièrement en ce qui concerne le repérage des sources naturelles où la localisation des haltes, des campements du désert et des pistes parfois même enfouis sous le sable. Au cours des longues traversées, les chameaux, envoutés par les mélopées chantées par le chamelier-conducteur, accélèrent instinctivement le pas.

Les chameaux de race arabe ont le pas plus rapide que ceux des Touaregs, car ils ne sont pas entravés, alors que ceux des Touaregs ont les queues attachées les unes aux autres. Quand ces chameaux sont atteints par la gale comme cela arrive tous les ans, on leur applique un remède concocté à base de souffre (kibrit), qu’on trouve en abondance dans les nombreuses mines de souffre dans les régions des Syrte et du Fezzân.

Par nature, les chameaux ont une grande capacité de supporter la canicule; ils sont en revanche sensibles au froid et au vent d’Ouest.

Quand aux chameaux de la Tunisie et de l’Algérie, leur endurance n’égale même pas le quart de celle des chameaux du désert, si bien que s’ils entreprennent une traversée de trois ou quatre jours dans le désert, ils périssent. Les chameaux du désert se rebiffent instinctivement en dressant la queue, chaque fois qu’ils s’avisent de la présence d’un bâti fusse-t-il en terre ou en argile.

Quand j’étais au Fezzân, alors qu’on approchait quelques villes comme al-Zighen et Sabhâ et qu’on en entrevoyait de loin les murs, ils détalaient, devenaient indociles et n’avançaient qu’aux prix d’efforts gigantesques, nous obligeant à leur assujettir la tête avec des sangles. Les chameaux ont l’habitude de se déplacer plutôt de nuit en se laissant guider par la voix du conducteur de la caravane (hâdi).

Sache qu’au cours des longs périples, les propriétaires arabes ne montent jamais à dos de chameaux sauf quand ceux-ci ne sont pas trop chargés. Si l’un d’eux est pris d’épuisement, il monte à dos de chameau le temps de récupérer, ensuite en redescend pour poursuivre la marche. Arabes comme Touaregs s’endorment sur le dos de leur monture exactement comme s’ils étaient dans leur lit. Le sommeil les répare de leur fatigue. J’ai rarement vu quelqu’un tomber dans son sommeil du dos de sa monture. J’ai du faire preuve d’effort pour m’endormir sur le dos d’un chameau, mais je n’ai pas réussi à cause de la démarche chaloupée de la bête, quand bien même installé sur une selle faite de deux lattes en bois léger (sahhâratayni) recouvertes d’une litière mesurant un mètre de long sur soixante centimètres de large.

[…]

Des tarifs de vente des viandes et de leurs dérivées

Le prix de la livre de viande bovine varie de 10 à 60 centimes environ, celui de la viande  ovine de 40 à 50 centimes, la livre caprine de 20 à 25 centimes, celui du dromadaire de 25 à 30 centimes.

Ces prix sont majorés environ du quart chez les bouchers juifs et européens. Cette majoration se justifie car les juifs et les Européens ne trompent pas sur la marchandise, ils ne gonflent pas leur viande à l’eau ni n’y glissent des boyaux dans l’emballage.

Le prix de la viande de tête bovine varie entre 25 et 30 centimes, celle du mouton entre 30 et 40 centimes, les rognons (fu‘âd) et les tripes (dawwâra) se négocient entre 50 et 75 centimes.

Des tarifs des volailles et des volatiles

A Tunis, le prix de la grosse poule varie de 12 à 32 francs, l’oie de 3 à 32 francs, le canard de 15 à 32 francs, la paire de pigeons de 3 à 12 francs, la paire de perdrix de 3 à 23 francs, la paire de dindons (serdouk ou djêj el-hind) de 8 à 13 francs, la douzaine d’oiseaux d’oliveraie (zarzûr) de 1 à 80 centimes, les grives (tord, ital. tordo ) par quatre de 80 à 90 centimes, les foulques (ghurr, voisin des poules d’eau) par quatre de 80 centimes à 1 franc. A la campagne on peut se procurer ces volatiles à très bon marché. Le lapin de 90 centimes à 1 franc.

Des tarifs des bovins

Une vache laitière de poids coûte entre 150 et 200 francs, pour les autres races le prix est de 75 francs. La paire de bœufs de labour oscille entre 250 et 450 francs en fonction de la bonne conformation et du rendement. Un bœuf  maigre de 25 à 75 francs.

Des tarifs des ovins

Les tarifs des ovins baissent au printemps et augmentent le reste de l’année. La brebis (na‘ja) se vend entre 10 et 20 francs, un bélier gros et gras (kabsh samîn) se négocie entre 20 et 35 francs, le jeune mouton (berkous) de 14 à 18 francs, l’agneau (‘allûsh) entre 7 et 12 francs. Il s’agit là des tarifs généraux qui peuvent varier selon la proportion de graisse, la masse et l’abondance de la viande.

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Des tarifs des caprins

En règle générale le tarif de la viande caprine est d’un quart inférieur à celui de la viande ovine.

Des tarifs des chameaux

Le prix d’un beau mâle reproducteur âgé de 9 ans (bozl) de sang qanâ‘îss varie entre 300 à 400 francs, pour les autres races, il est de l’ordre de 102 à 300 francs, les chamelles (niyâq) de 102 à 300 francs, ce prix peut augmenter ou diminuer en fonction de l’offre et de la demande.

Les chameaux du sud-est (qiblawîyya) sont plus sobres et plus endurants, aussi bien pour la marche que pour le transport des charges, que ceux du nord de l’Afrique.

Recommandation : Les chameaux de nos contrées tunisiennes ne peuvent pas s’aventurer loin dans les profondeurs du désert. Celui qui entend partir à Ghât,  au Fezzân ou au Tchad a intérêt à choisir des chameaux de désert comme ceux des Touaregs ou ceux des habitants de Fezzân, ou encore ceux de Tripoli (Tarâbuls al-gharb) et ses districts.

[…]

Des fraudes et des trafics de certains marchands, artisans et fabricants

Le premier marchand réputé par la pratique de la fraude est le boucher. Et pour cause, il ne vend jamais de la viande bovine, fusse une seule livre, sans adjonction d’une grande quantité d’eau pour en augmenter le poids. Vous le voyez battre sans cesser la viande de ses mains jusqu’à ce qu’elle prenne du poids. Il ne vend rien sans y fourrer quelques os, des tripes, de la panse, en prétendant toujours que c’est là une manière de faire traditionnelle. La plupart des bouchers de Tunis sont des vauriens qui ignorent Allah et son prophète et ne se conforment pas au respect des prescriptions de la sûnna dans leur négoce.

Il en est de même pour les marchands de lait (hallâba-hlaybiyya), qui sillonnent les rues et les ruelles avec leur petite jarre (qulla) pour vendre du lait, nombreux sont ceux qui y ajoutent de l’eau; sans oublier les marchands du lait caillé (labbâna) qui ajoutent de l’eau au lait fermenté, et trichent sur les mesures. Ils exercent leur métier sous l’autorité du syndic susmentionné.

La fraude la plus catastrophique est sans conteste celle pratiquée par certains bédouins (arab) qui ajoutent de la matière grasse et de la graisse extraite de la réserve du mouton (liyya) dans les petites jarres de beurre rance (sman). On trouve également du beurre fabriqué par certains Européens mélangé avec de la pomme de terre, vendu comme du pur beurre par les marchands européens comme musulmans. Pour conclure, la fraude existe à tous les niveaux et dans tous les commerces.

Al-‘ûla ou comment constituer des provisions pour l’année

Il existe une tradition qui veut que les Tunisiens, ou plutôt les habitants des villes mettent à profit, dans leur écrasante majorité, la saison estivale pour préparer des provisions (mûna) qu’ils mettent en réserve pour assurer leur subsistance le reste de l’année.

Ces préparations concernent en premier lieu le koussksou sec, ils en préparent plusieurs aqfiza (sing. qfiz, unité de mesure équivalent à 200 kg environ) selon les besoins de la consommation de la famille, le m’hammas qui ressemble au kousskssou, mais dont le grain est plus gros, le boulgour (bûrghul) préparé à base de blé cuit et concassé dans un gros concasseur ou pilon (mihrèss).

Ils égorgent quelques bœufs ou moutons, généralement bien plus des bœufs que de moutons, ils en découpent la viande en morceaux ou en lanières (sharâ’ih) et, une fois salée, épicée et séchée au soleil, la viande est transformée en qaddîd, qu’on prend soin de baigner dans une quantité déterminée d’huile d’olive bouillante, en s’exprimant cette mixture donne une sauce délicate et aromatisée qu’on transvase dans une amphore ou grande jarre ovoïde pour y être conservée.

En été, ils achètent également ce dont ils ont besoin comme céréales et épices tels que les piments rouges secs (felfel shayih), les tomates qu’on presse ou qu’on ouvre et on fait sécher au soleil, le tout est conservé pareillement dans des amphores, jarra ou khâbiya, ou dans des petites jarres (qîlel) ou encore dans des jarres à lait (aziyâr), entreposées dans une des pièces de la maison appelée réserve (bayt al-mûna). On y puise à longueur d’année la quantité nécessaire pour la consommation quotidienne.

Chez les gens de la ville, ces mesures sont prises par souci d’économie, sachant que ceux qui ne respectent pas cette tradition ne sont pas à proprement parler des habitants de la ville (beldiyya). Les beldiyyas avertis et industrieux font provision de tout ce qui est indispensable à la vie domestique comme le bois, le charbon de bois, l’oignon d’été, les piments secs, l’ail, le fromage salé, les balais végétaux (mkanes), le beurre rance, le miel, les céréales de toutes espèces, les gombos déshydratés (bâmiya ou gnâwiyya shâ’iha), la corète (melûkhiyya), les aromates et les condiments, etc., de sorte qu’il ne leur reste comme dépense tout au long de l’année que l’achat de quelques viandes et fruits de saison. Il est à noter que le gros des habitants de la capitale ne s’approvisionne pas aux marchés.

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Le marché du lait fermenté (souk al-laban)

C’est là où on vend le lait fermenté, ce résidu du lait après en avoir extrait le beurre. Au printemps le laban constitue la pitance des bédouins et des couches pauvres de la population. La vente débute vers 6 heures du matin et se prolonge jusqu’à deux heures de l’après-midi, les vendeurs sont généralement originaires du Sûf (Algérie). Ce marché est situé dans la rue el-Marr à l’extérieur des murs de la porte d’al Manara (Bâb al-Manâra)

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Le marché aux bovins, aux moutons, aux chèvres, aux chameaux, aux chevaux et aux ânes

A l’extérieur de Bâb Alîwa, sur l’emplacement de l’ancien abattoir se tient le marché des bovins, tout près, celui des moutons, des chèvres et de chameaux. Les bêtes sont parquées et vendues au même endroit, mais dans des enclos séparés.

Le marché ouvre vers 6 heures et ferme dans l’après-midi. Tout près de là on trouve le marché aux chevaux, aux bourriques et aux mulets. Les vendeurs se recrutent dans toutes les nations. Les transactions sont régies par une convention internationale, on doit s’acquitter d’une taxe. Les ventes sont animées par des soumissionnaires attitrés (dallâla rasmiyya).

L’ensemble des activités de ce marché de la capitale, comme pour tous les autres, est placé sous le contrôle d’un syndic. Dans ce marché, il y a des intermédiaires ou maquignons (m’shâklîyya) qui facilitent la conclusion des contrats de vente passés entre vendeurs et acheteurs. Ils prélèvent sur chaque transaction une dîme modique dont le montant n’est pas fixé à l’avance. Il est pour le moins étonnant qu’un bédouin ne puisse y vendre une seule tête de bétail bovin ou ovin l’entremise de ce même m’shâklî.

* Mohamed Ben Othman Al-Hachaichi (1853-1912): fonctionnaire modeste du makhzen beylical, auxiliaire empressé des autorités du protectorat français, journaliste à ses heures et explorateur d’occasion, mais surtout auteur de quelques opuscules sur des sujets divers: une histoire de la Grande-Mosquée Zitouna, deux relations de voyage en Tripolitaine et au Sahara et une étude documentée sur les us et coutumes des Tunisiens à l’aube du XXe siècle.

** Titre original en arabe: ‘‘Al-‘Âdât wa-l-taqâlîd al-tûnisiyya – Al-hadiyya aw al-fawâ’id al-‘ilmiyya fî-l-‘âdât al-tûnisiyya’’.

*** La Régence comptait alors un cheptel d’au  moins trois millions de têtes reparties dans l’ensemble des provinces. (Note du Traducteur)

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