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Oumou Sangaré à Carthage: La voix des sans voix

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La chanteuse malienne a du talent, mais son concert, dimanche à Carthage, n’a guère décollé, qui plus est, devant des gradins à moitié vides.

Par Hamadi Abassi

Lorsque le Festival international de Carthage, fidèle à l’esprit de découverte et de rencontre qui l’anime, a programmé Oumou Sangaré, la diva de la chanson malienne, on s’est beaucoup réjoui de cette invitation en pays Bambara, Kozo, Dagon, Peul et Touareg. C’était une opportunité pour redécouvrir la prodigieuse tradition musicale subsaharienne préservée par les Djelis (griots) souverains. Djenné, Ségou, Gao, Tombouctou et Bamako sont autant de haltes magnifiées auxquelles nous a conviés la voix puissante et prenante d’Oumou Sangaré, originaire de Woussoulou, une région du sud du Mali, où les règles régissant ailleurs les castes n’ont pas cours.

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Sangaré cinate des thèmes féministes spécifiques, l’exode rural, le respect de l’environnement, l’amour, les traditions.

Un parcours atypique

Sans appartenir à un lignage de Djeli, l’enfant baigne depuis sa tendre enfance dans un milieu artistique par sa grand-mère une artiste adulée et sa mère Amina Drakilé qui l’amenait avec elle au cours de ses nombreux concerts.
Pour suppléer à l’absence d’un père irresponsable, la gamine chante à 5 ans en vendant de l’eau dans les rues de Bamako pour aider financièrement sa mère. Un parcours atypique de chanteuse de rue avant d’intégrer à l’âge de 16 ans le groupe Djoliba Percussions.

Le succès se présente rapidement pour l’adolescente qui enregistre son premier album à 18 ans avec le producteur sénégalais Ibrahim Sylla.  Un album qui la propulse en tête du box office engrangeant la vente de 100.000 K7 en une semaine au Mali.

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La diva malienne s’insurge contre la polygamie, les mariages arrangés et l’exploitation des femmes.

En signant avec le label anglais Word Circuit Record, la chanteuse populaire devient une authentique star dans son pays, une ambassadrice du Woussoulou n’Ke, une variante du Bambara avec des thèmes féministes spécifiques, l’exode rural, le respect de l’environnement, l’amour, les traditions… A l’instar de ses ainés Nahawa Doumbia ou Coumba Sidibi, elle s’insurge contre la polygamie, les mariages arrangés et l’exploitation des femmes.

Cette passionaria rebelle et courageuse, qui ne s’embarrasse pas pour assener ses vérités clame haut et fort à ceux qui veulent l’entendre: «J’entends rester la voix des sans voix»!

La chanteuse gracieuse, à la voix prenante et sublime, se produit dorénavant sur les plus grandes scènes du monde. Par sa démarche, Oumou Sangaré porte le son du Woussoulou jusqu’en Europe, le Japon, le Canada, les Etats Unis et l’Afrique du Nord, où elle vient de se produire, dimanche dernier, sur la scène du théâtre romain de Carthage.

Le public aux abonnés absents

La défection inexpliquée des spectateurs contribua beaucoup à faire basculer ce qui promettait d’être une exubérante fête africaine dans une désolante expectative. Le public, au goût musical aliéné par les produits que lui assène d’habitude les artistes du showbiz, ne semble pas décidé à emprunter des pistes nouvelles en quête de sons et de rythmes exaltants.

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Les rythmes traditionnels de la musique Wassoulou sont irrigués de funk, pop et soul.

La diva malienne par des propos explicite s’est ingéniée à gagner l’attention et l’intérêt d’un public circonspect.

Ave sa formation musicale composée d’une batterie, de deux guitares, d’un Djembé (tambour) exalté et d’une Kora malienne (sorte de guitare), la démarche musicale de l’artiste était clairement annoncée, irriguant les rythmes traditionnels de la musique Wassoulou de funk, pop et soul.

Pour adhérer au discours militant de l’artiste, la musique à elle seule ne suffisait pas, le handicap linguistique s’est avéré déterminant pour le public, qui a cherché à comprendre et à décoder ce qu’on lui proposait sur scène.

Malgré les efforts de la chanteuse, la soirée fut écourtée par une fastidieuse présentation de l’orchestre, qui, malgré ses efforts, n’arrivait pas à sauver les meubles.

Du talent il y en avait, mais le concert n’a guère décollé, à notre grande déception! Et c’est dommage !

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