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Gnawa Diffusion à Bou Kornine: L’Algérie est-elle blanche?

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Même dans ses excès, Gnawa Diffusion demeure un excellent groupe qui véhicule une musique chargée d’exaltants parfums de sable chaud et de soleil brulant.

Par Hamadi Abassi

La présence du groupe Gnawa Diffusion à Tunis relève de l’évènement musical dans les sphères des férus de la World Music portée par des sonorités Gnawa, oeuvre des anciens esclaves noirs capturés par les négriers marocains et algériens. Islamisés par la contrainte, ces communautés (Peul, Moussa, Barma, Manzak, Bazo, Bambara) ont su s’adapter pour survivre et préserver leurs coutumes et musiques ancestrales.

Destinations extrêmes

Groupe musical éclectique algérien au parcours atypique, fondé à Grenoble en 1992, Gnawa propose une musique alternative subsaharienne matinée de rock, reggae, rythmes gnawis, aissaoui, chaâbi algérois, ragga, punk et raï : un brassage savoureux et tonique qui nous embarque pour des destinations extrêmes, couleurs d’arc en ciel.

Accompagné de son «gambri», le pétulant Amazigh Kateb a mené le show, samedi dernier, sur la scène du festival de Bou Kornine, à Hammam-Lif, face à un jeune public exubérant et participatif.

En maitre de cérémonie à la belle voix qui groove grave, soutenue par les rythmes et sonorités syncopés des «kerkabs» métalliques, Amazigh chante ses thèmes de prédilection : l’exil, l’amour, la mémoire, l’identité, la religion, son pays l’Algérie, les haragas, le chômage, l’africanité du Maghreb, tout en cultivant une la dérision et l’humour.

Rapidement le théâtre s’embrase par les chansons reprises en chœur par l’assistance survoltée, qui trouvait là un espace conforme à ses aspirations, où elle pouvait s’éclater et se réapproprier une parole confisquée

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Le théâtre s’embrase par les chansons reprises en chœur par une assistance survoltée.

Les Gnawa, talentueux sur scène, avec gambri, guitare, kerkabs, mandole, banjo, basse, batterie et clavier, nous transportaient en des contrées improbables, sur des rythmes syncopés et monocordes.

La World Music, chargée d’exaltants parfums de sable chaud et de brulant soleil, glissait sur les peaux matinées de sueur des danseurs emportés par le paroxysme d’une transe sauvage.

Une musique arc en ciel

En véritable professionnels, les membres du groupe Gnawa Diffusion alternaient chansons en arabe, français et anglais, sur des rythmes métissés, mélangés notamment avec les accents édulcorés de musique chaâbi algéroise, de rock, de reggae, de raï gavé d’ivresse, de ragga, et les tonalités pathétiques et graves de la Gnawa et Aïssaouia.

De magnifiques instants de partage pour revisiter une musique arc en ciel, foisonnante et rafraichissante, chargée de joie de vivre.

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Amazigh Kateb revendique l’africanité du Maghreb.

Le concert jouissif connaissait bien sûr ses moments de gratuites provocations à l’encontre des agents de l’ordre et l’apologie abusive de la «zatla» (cannabis) auprès d’un public mal préparé pour ce genre de discours. Je me trompe peut être, mais il fallait que j’exprime ma réserve.

Même dans ses excès, Gnawa Diffusion demeure un excellent groupe qui véhicule un discours politico-social cohérent et la quête d’une identité berbère (chaouia) affichée par son fondateur Amazigh Kateb, fils du grand écrivain Kateb Yacine.

«La création de Gnawa Diffusion c’est une petite réaction à l’exil, une volonté de me faire ma petite Algérie. A neuf ans, lors d’un voyage à Timimoune dans le sud algérien, j’ai découvert l’africanité du Maghreb sans en saisir la teneur, mais en comprenant une chose, c’est que l’Algérie n’est pas blanche», explique le chanteur.

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