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Dégradation de la compétitivité du textile-habillement tunisien

Salon-Textile-Paris

Si une stratégie de redressement n’est pas mise en œuvre à très court terme, le textile-habillement tunisien continuerait son irrévocable dégringolade.

Par Mohamed Chawki Abid*

Depuis une dizaine d’années, la Tunisie observait une dégringolade de son «positionnement de fournisseur» du marché européen en produits textiles et habillements, en raison de l’accroissement des importations en provenance des pays de l’Europe centrale et de l’intensification de la poussée asiatique dont les exportateurs continuent à gagner des parts du marché européen.

Absence d’intégration verticale

Ce fléchissement résulte également de l’absence d’intégration verticale à haute valeur ajoutée, et de la faiblesse du pushing commercial des unités industrielles, détenues majoritairement par des investisseurs européens. En outre, de par le malaise économique que connait l’Union européenne (UE) depuis 2010, la tendance baissière de la consommation européenne en articles d’habillement n’a pu être renversée.

Tenu à Paris du 15 au 17 septembre 2015, ‘‘Première Vision Manufacturing’’ est le principal salon professionnel dédié à la confection à façon pour la mode en zone Europe, bassin méditerranéen et océan indien. Avec, 60 000 visiteurs, ‘‘Première Vision Manufacturing’’ Paris constitue une rencontre des acheteurs, des magasins à enseigne, des chaines de grande diffusion, des stylistes.

L’UE représente 70% des visiteurs, venant principalement du Royaume uni, d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne et de la Belgique.

S’imposant comme le maillon essentiel de l’amont à l’aval de la filière textile-habillement, ce salon constitue une plateforme de référence pour les industriels-exportateurs désireux d’établir des contacts avec les professionnels européens, afin de renforcer leurs exportations sur l’UE et de mettre en évidence les nouveautés, la diversité et la qualité des produits nationaux. Bref, une excellente occasion pour protéger sa part de marché.

Seules 19 entreprises tunisiennes ont participé à la 15e édition du salon ‘‘Première Vision Manufacturing’’, sur un espace de 276 m2, offrant une large gamme de produits : vêtements pour femmes, jeans et sportswear, articles en maille, vêtements de travail, linge de maison, tiges et chaussures, etc. Parallèlement, 26 entreprises marocaines ont pris part au Parc des expositions de Villepinte sur un stand d’une superficie de 577 m².

Fer de lance de l’économie tunisienne

Le secteur du textile constitue le fer de lance de l’économie tunisienne et demeure le principal secteur de l’industrie manufacturière nationale en termes d’exportation (35%), d’emploi (34%) et de valeur ajoutée (19%). Malgré divers désinvestissements enregistrés depuis 2011, il continue à être le premier employeur industriel du pays, avec près de 180.000 emplois soit 34% des industries manufacturières. Cette filière regroupe trois activités : les produits de filature (4%), les produits de tissage & finissage (12%), les articles d’habillement (homme, femme, enfant) contribuant à hauteur de 84% de la production du secteur.

Le secteur contribue à hauteur de 18% des exportations de biens et à hauteur de 7% du PIB national. A dominante vêtements (85%), ses exportations ont oscillé depuis 2008 au voisinage de 5 milliards de dinars, dont environ 83% à destination du marché européen. Les principaux clients sont la France avec 34%, l’Italie avec 28%, l’Allemagne avec 10%. Viennent ensuite la Belgique avec 7% et l’Espagne avec 4%.

Depuis 1972, la Tunisie a su tirer profit de la proximité du marché européen (6e exportateur non-européen avec ≈2M3€/an), sans toutefois pouvoir consolider son positionnement stratégique de par la fragilité de l’amont et de l’aval de sa filière textile-habillement.

Face à une redoutable concurrence

Depuis la fin en 2005 du système des quotas d’importations textiles prévus par les accords multifibres (AMF), les pays asiatiques ont conquis le marché européen, bousculant ainsi les pays exportateurs traditionnels du bassin méditerranéen (Turquie, Tunisie, Maroc, Egypte…). En outre, les récents établissements d’accords de libre-échange (ALE) avec des pays asiatiques ont permis à ces derniers de bénéficier d’un démantèlement tarifaire sur leurs exportations, consolidant ainsi leur compétitivité commerciale sur le marché européen au détriment de la Tunisie et d’autres pays méditerranéens.

Au-delà de la Chine, qui se taille la part du lion dans les importations européennes (≈26 M3€ soit 42%), suivie par le Bangladesh (≈8 M3€ soit 13%) et l’Inde (≈4M3€ soit 7%), le Vietnam est en passe de rattraper la Tunisie et de dépasser 3% de part de marché.

Fort de sa main-d’œuvre abondante de coût modique, ce pays a des atouts pour devenir l’un des 3 premiers fournisseurs de l’UE surtout après la signature de l’ALE Vietnam-EU en 2015 qui ouvrira de grandes opportunités. Ainsi, d’ici 5 ans, le Vietnam pourrait atteindre un chiffre d’affaires à l’exportation équivalent au Bangladesh ou à la Turquie (≈8 M3€ soit 13%), pour figurer parmi les 4 premiers exportateurs sur l’UE. Ce faisant, la Tunisie poursuivrait sa dégringolade si une stratégie de redressement n’était pas mise en œuvre à très court terme.

Au terme de 5 ans d’absence de vision stratégique textile-habillement, dans une perspective de perfectionnement des moyens de production, d’optimisation de la capacité compétitive du secteur, la promotion de nouvelles niches d’activités à haute valeur ajoutée (stylisme-modélisme, textile technique, etc.) et de développement de la chaîne de valeur, il est grand temps d’accorder à ce dossier l’importance requise dans l’élaboration du 12e plan quinquennal de développement économique et social.

* Ingénieur économiste.

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