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Retour à Sousse, 4 mois après l’attentat

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Le journaliste britannique s’est rendu cette semaine à Sousse pour constater l’effet dévastateur de l’attentat du 26 juin sur l’économie de la vile.  

Par Rob Golledge*

Normalement, en cette période de l’année, les plages de toute la zone touristique de Sousse ne désemplissent pas. C’est ici que la plupart des vacanciers britanniques élisent domicile pour les saisons automnale et hivernale. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cette animation, de cette vie, de cette joie de vivre. Il n’y a plus que le monotone va-et-vient des vagues se brisant sur des côtes abandonnées et désespérées.

Une situation étrange

«D’habitude, en pareille semaine de la saison touristique, notre hôtel accueille en moyenne pas moins de 800 clients. Et là, comme vous pouvez le constater, nous n’avons plus personne», se désole Mehrez Saâdi, le directeur de l’Imperial Marhaba.

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La clé sous la porte.

«C’est un problème très grave. C’est triste ce qui nous arrive. Je vis une situation étrange, moi qui ai toujours accueilli des milliers et des milliers de visiteurs, depuis de nombreuses années, moi qui me suis fait des amis parmi ces touristes étrangers. Là,  je me retrouve tout seul, à ne rien faire et sans emploi. Comment vais-je meubler mon désœuvrement?» s’interroge-t-il.

C’est ici, au Riu Imperial Marhaba, que Seifeddine Rezgui, le djihadiste de l’Etat islamique, a ouvert le feu sur les résidents, tuant 38 touristes étrangers, dont 30 ressortissants britanniques. De mémoire d’homme, il s’agit de l’attaque la plus meurtrière contre des citoyens du Royaume-Uni.

Sur la totalité des 120 hôtels que comptent la ville de Sousse et la zone touristique du port d’El Kantaoui, seuls 4 continuent d’opérer, selon M. Saâdi. L’Imperial Marhaba n’est plus qu’un lieu désert, mort: ses chaises sont vides; ses tables sont vides; son piano, couvert d’une toile cirée, est muet; ses chaises longues sont empilées dans la cour de service comme dans une décharge publique. La piscine, vidée de son eau, n’est plus qu’une vaste benne où s’entassent feuilles mortes, sachets en plastique, journaux, poussières, sable et autres ordures charriées par le vent.

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L’Imperial Marhaba n’est plus qu’un lieu désert, mort: ses chaises sont vides; ses tables sont vides…

Mehrez Saâdi, qui a géré l’hôtel depuis 3 ans, n’en croit pas ses yeux. Abattu, il explique qu’à la suite de la décision des autorités britanniques d’interdire à leurs ressortissants tout déplacement en Tunisie, la direction de l’hôtel s’est trouvée dans l’obligation de se séparer de 200 employés.

Des licenciements en masse

Il confie aussi qu’«ailleurs, chez tous nos voisins, on a également procédé à des licenciements en masse. Au total, plus 40.000 travailleurs ont perdu leurs emplois, du jour au lendemain. Je vous laisse imaginer l’étendue de la tragédie: imaginez un peu que vous ayez côtoyé et que vous vous soyez lié d’amitié avec des touristes pendant une bonne partie de votre vie – 80% de mon existence, pour ce qui me concerne – et puis, d’un seul coup, qu’il n’y ait plus rien… Imaginez ce que cela peut représenter. Ce n’est pas uniquement une question d’économie, d’argent ou de revenus touristiques. Il s’agit de notre vie à laquelle, désormais, quelque chose d’essentiel manque. Tout simplement, nous avons besoin de nos clients, tout autant qu’ils ont besoin de nous. D’ailleurs,  j’ai gardé le contact avec nombre d’entre eux et ils me le disent. Ils me disent tous qu’ils souhaitent revenir en Tunisie au plus tôt et tourner cette page.»         

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Mehrez Saâdi continue d’espérer que ce cauchemar finira bientôt.

Mehrez Saâdi ne comprend pas que le gouvernement britannique ait pris cette décision d’interdiction de voyage en Tunisie et que les tour-operators l’aient appliquée, sans penser aux conséquences que pareille mesure peut avoir non pas uniquement sur l’économie de la Tunisie mais également sur l’équilibre des forces dans ce combat contre le terrorisme. Accusateur, l’hôtelier s’interroge: «Est-ce qu’ils (le Foreign Office et les voyagistes britanniques, Ndlr) se rendent compte qu’en adoptant cette décision de la déprogrammation de la destination tunisienne ils sont en train de faire le jeu des terroristes? A mon avis, la solution au problème du terrorisme se trouve ailleurs: les gouvernements britannique et tunisien devraient ensemble trouver la formule qui concilie la poursuite de l’activité touristique dans notre pays et la protection des visiteurs britanniques et des employés de nos hôtels. Seule cette approche permettra de lutter efficacement contre le terrorisme et de le vaincre. C’est un peu trop facile pour un chef de gouvernement (David Cameron, Ndlr) de donner l’ordre  à ses concitoyens de ne pas se rendre dans un pays. Mais en quoi est-ce que cette décision défie-t-elle courageusement le terrorisme? En quoi représente-t-elle une volonté franche et responsable de combattre les terroristes? Comment est-ce que pareille démarche aide-t-elle la Tunisie et les Tunisiens?»

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Le journaliste britannique Rob Golledge discute avec un boutiquier.

(…) En attendant les réponses aux questions de Mehrez Saâdi, l’Imperial Marhaba a mis la clé sous la porte, depuis le 2 octobre dernier, et plusieurs dizaines d’hôtels de la région en ont fait autant. Et des centaines de commerces ont fermé boutique.
Pourtant, Mehrez Saâdi continue d’espérer que ce cauchemar finira bientôt – d’ici mars prochain, estime-t-il – et l’activité pourra reprendre…

Texte traduit de l’anglais par Marwan Chahla

Source : ‘‘Express & Star’’.

** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

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