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La Tunisie de Mohamed Bouazizi à Houssem Abdelli

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Mohamed Bouazizi à Houssem Abdelli étaient des marchands ambulants : l’un est martyr de la nation, l’autre terroriste, pourquoi?

Par Ezzeddine Ben Hamida*

Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu le 17 décembre 2010; il est décédé le 4 janvier 2011 à l’âge de 27 ans. Houssem Abdelli a péri après avoir actionné, le mardi 24 novembre, sa ceinture d’explosive, entraînant avec lui la mort de 12 agents et officiers de la garde présidentielle et la blessure de 16 autres, dont pour certains le pronostic vital est engagé. Il avait, lui aussi, 27 ans.

1/ Deux profils proches, deux destins tragiques !  

Le martyr et le terroriste étaient donc des marchands ambulants; au moment de la tragédie, ils avaient aussi, tous les deux, 27 ans.

Le «héros» de la révolution est originaire de Sidi-Bouzid, une région déshéritée, marquée par la pauvreté et le manque de perspective pour les jeunes.

Le kamikaze de Tunis est originaire de Douar-Hicher, une localité située à 15 km à l’ouest de la capitale, pauvre et qui détient le triste record de concentration des jeunes chômeurs. Un Douar où l’expression «la loi de la débrouille» trouve tout son sens ! Des jeunes voisins à Houssem Abdelli avaient déclaré à la presse locale : «A 18 ans, nous sommes déjà mort !»  

L’un et l’autre ont décidé de mettre volontairement fin à leur vie !

Mohamed Bouazizi s’est immolé car sa dignité a été bravée, ses droits bafoués, son âme outragée, sa personne blessée. C’était un geste de désespoir, d’amertume et d’abattement mais aussi de refus de l’injustice, de la reconquête de sa dignité et de l’estime de soi. En fait, il s’est immolé par orgueil !

En revanche, Houssem Abdeli s’est donné la mort par obscurantisme, fondamentalisme, et embrigadement. Son geste est criminel, répugnant et lâche. Par son acte, il a endeuillé des familles et attristé la patrie.

2/ Les responsables ?

L’autoritarisme des autorités publiques et l’excès de zèle de la police municipale aggravées par la pauvreté, l’inertie de l’administration et le manque criant, révoltant, de perspective ont poussé le jeune Bouazizi à commettre l’irréparable.

Dans le cas de Houssem Abdeli, c’est l’absence d’Etat et le laxisme de certains responsables de l’autorité publique qui ont ouvert une autoroute devant l’embrigadement, l’endoctrinement et le fondamentalisme. Ce jeune ne s’est radicalisé que depuis à peine deux ans, c’est-à-dire après même l’attentat contre Chokri Belaïd, en février 2013 et Mohamed Brahmi en juillet de la même année.

3/ La révolution s’est-elle transformé en butin de guerre ?

Cinq ans après le fameux 14 janvier, la situation s’est envenimée et l’insécurité s’est définitivement installée. Nos concitoyens souffrent le martyre et le terrorisme gagne du terrain. Nous dénombrons déjà plus de 160 morts dans les rangs de nos différents corps d’armée.

La révolution de l’espoir, de la dignité et de la justice s’est transformée a priori en festin pour des fauves affamés, avides et assouvis. Une guerre de clans, une bataille pour le pouvoir, un combat pour les portefeuilles. La crise au sein de Nidaa Tounes, le parti de la majorité, n’est-elle pas l’illustration de la voracité et de l’avidité du pouvoir de nos acteurs politiques?

Ainsi, nous constatons, avec beaucoup d’amertume et de tristesse, que les ambitions démesurées de certains de nos dirigeants n’ont jamais convergé avec l’intérêt collectif !  L’ardeur du pouvoir de quelques uns entrave la marche vers la démocratie !

L’emploi, la baisse des inégalités, la lutte contre la pauvreté, la décentralisation, les réformes nécessaires pour une meilleure justice sociale… ont été relégués en second plan.

* Professeur de sciences économiques et sociales (Grenoble).

Blog de l’auteur.

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